Anéantissement du Haut-Karabagh : la fin de l’histoire ?

Antoni Lallican / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Monastère arménien de Dadivank situé au Haut-Karabagh.

La chute du Haut-Karabagh le 20 septembre dernier a entraîné l’exil de quelque 120.000 personnes. Noms des villes effacés, sanctuaires chrétiens détruits par les tirs ennemis… Quel destin attend les Arméniens ?

Le corridor de Latchine est aussi calme depuis début octobre que deux semaines auparavant, lorsqu’il était fermé. La quasi-totalité des habitants du Haut-Karabagh (ou Artsakh) ont quittéleurs maisons. Les derniers à partir ont été les religieux, désirant abandonner par des prières leurs églises millénaires à la divine providence. Restent prisonniers de Stepanakert quelques membres du gouvernement.

L’épuration ethnique du Haut-Karabagh a reposé sur une stratégie de manipulation. Après avoir visé des quartiers résidentiels, maintenu une suprématie militaire, grâce à des drônes israéliens, le parti Azerbaijanais, a forcé le camp attaqué à un accord déséquilibré. Pour maintenir le peuple arménien dans la confusion, Ilham Aliyev, le président azeri a procédé dès les cinq jours suivant la défaite, fin septembre, à une distribution de nourriture et déclarait vouloir protéger les habitants du Haut-Karabagh.

Mais la réalité est malheureusement bien différente. Des églises, dont celle de Charikar, bâtie au XIIIe siècle, ont été profanées ; des civils forcés de fuir devant les soldats criant Allah akbar et portant un brassard sur lequel on lit « Ne t’enfuis pas arménien, tu vas mourir d’épuisement » ; assimilation ou assassinat pour le millier d’Arméniens resté sur place ; 300 membres de l’armée et du gouvernement arrêtés et traités comme criminel de guerre – conséquence des négociations de Yevlakh permettant l’ouverture du corridor. Le remplacement des noms des villes a du reste déjà lieu, sur Googlemap par exemple. Plus de drapeaux ni de statues arméniennes dans les grandes villes et 3.000 nouveaux arrivants d’Azerbaïdjan ont pris place dans les lieux désertés par les arméniens. Que reste-t-il ensuite ? La profanation de tombes pour nier jusqu’à l’histoire de ceux qui foulèrent ce sol ?

À la croisée des conflits

De quelle réalité parle-t-on ? Le Haut-Karabaghest une région située à l’est de l’Arménie dont les terres sont habitées depuis plus de mille ans – comme, du reste, l’a été en grande partie territoire Azrbaidjanais – par les Arméniens, chrétiens et d’ethnie persique. Inscrit entre deux conflits, à plus large échelle, le Haut-Karabagh et l’Arménie sont tantôt couloir entre l’Iran et la Russie, tantôt lieu de l’expansion turque qui se trouve de chaque côté de sa zone d’influence. Il y a à peine un siècle, la république d’Azerbaïdjan est créée de manière artificielle par l’URSS pour contenter des minorités d’ethnie turcique et musulmane. La région du Nakhitchevan, au bord sud-ouest de l’Arménie, est donnée à l’Azerbaïdjan, seul le Syunik est préservé grâce au courage de l’homme d’État arménien Garéguine Njdeh (1886-1955), . En 1994, les Arméniens récupèrent l’Artsakh, alors appelé Haut-Karabagh, et constitue une république autonome, non reconnue par les instances internationales.

Alors que l’Europe envisage de doubler ses importations de gaz venant d’Azerbaïdjan, le 2 octobre, Sergueï Lavrov a déclaré vouloir aider les Arméniens du Haut-Karabagh à cohabiter avec les Azerbaijanais, et œuvrer en collaboration avec Bakou, semblant ignorer l’exode des arméniens. Rejetant la faute sur le gouvernement de Nikol Pashinyan, le  Premier ministre d’Arménie, il invite cependant à la poursuite de relations cordiales avec le peuple arménien.

Le Haut-Karabagh a été laissé à lui-même, dans l’indifférence quasi générale. Le seul soutien dont bénéficie les réfugiés est surtout celui de son peuple, un désastre humanitaire n’est pas tant à craindre en Arménie. La prière ne s’est jamais faite si fervente en ces temps où la bataille à venir est redoutée.

Source : ALETEIA, le 11 octobre 20243

Haut Karabagh, une honte européenne

Une épuration ethnique est en cours au Haut Karabagh avec plus de 100 000 réfugiés qui ont dû fuir les massacres, les viols, la torture, à la suite de l’invasion de cette enclave arménienne par l’Azerbaïdjan. Mais cette fois, l’Europe des droits de l’homme a fait quasi silence, a lâchement fermé les yeux en dehors de quelques coups de menton ou communiqués verbeux. Mais il y a pire. C’était il y a un an, le 18 juillet 2022, Mme Ursula Von den Layen présidente de la Commission européenne rencontrait à Bakou le dictateur et bourreau des Arméniens, Ilham Aliev et se pavanait devant les caméras de télévision en signant un accord gazier avec ce dernier. L’idée était de remplacer médiatiquement le gaz russe par du gaz d’Azerbaïdjan. Depuis, Cette dame a-t-elle démissionné pour autant? Non, elle parade plus que jamais. Pourtant, par cette signature, les Européens donnaient une sorte de feu vert au massacre en cours et à nouvelle crise humanitaire. Mais celle-ci n’intéresse pas grand monde. Alors aujourd’hui, silence motus. Tabou sur les agissements de cette dame: il n’en est pas question, aucune critique à son encontre dans les médias officiels. Pourtant, le génocide arménien par les Turcs de 1915 (plus d’un million de morts) pourrait servir de leçon. Mais non, l’Europe ferme les yeux, cette fois-ci, pas de sanctions, pas de soutien militaire significatif à l’Arménie menacée à son tour. Peut-être que la haine de soi a encore frappé: dès lors que ce sont des musulmans qui massacrent des chrétiens, et non l’inverse, quelle importance? Ou bien encore, le Haut Karabagh et l’Arménie ne font-ils pas partie des projets de l’Occident, comme l’Ukraine? En tout cas, nous assistons à un formidable ballet d’hypocrisie: les droits de l’homme et l’indignation sélective: quand cela nous arrange, conformément à nos intérêts. Et quand cela ne nous arrange pas, on ferme les yeux, voire pire, non seulement on ne fait rien pour s’y opposer, mais on encourage le massacre par la signature d’un accord gazier scandaleux.

Source : de Maxime Tandonnet sur son blog, le 2 octobre 2023

Haut-Karabakh : « Non à l’épuration ethnique ! »

Haut-Karabakh : près de 120 000 habitants doivent abandonner leurs biens. | REUTERS

« Il est inacceptable d’abandonner les Arméniens du Haut-Karabakh dans ce huis clos. La Russie qui devait garantir la paix selon les accords a laissé faire l’Azerbaïdjan. » Par Jeanne Emmanuelle Hutin, directrice de la recherche éditoriale à Ouest-France.

Dans un odieux silence, un peuple est livré aux mains de ses bourreaux : « S’ils ne partent pas, nous les chasserons comme des chiens, » déclarait le dictateur de l’Azerbaïdjan Ilham Aliev en 2020 au sujet des Arméniens du Haut-Karabakh (1). Après avoir assiégé pendant dix mois ces 120 000 Arméniens dont 30 000 enfants, l’Azerbaïdjan a attaqué ceux qu’il appelle « terroristes » et « séparatistes ».

Mais les terroristes ne sont-ils pas ceux qui affament et tirent sur les civils ? Et comment appeler « séparatistes » ces Arméniens vivant sur la terre de leurs ancêtres, le « berceau de l’Arménie » , une région autonome même sous le joug de l’Union Soviétique ? « Nous sommes tués parce que nous sommes Arméniens » , constate Hovhannès Guévorkian, le représentant du Haut-Karabakh en France (2).

En effet, c’est un « nettoyage ethnique à visée génocidaire » , dénonçait Jean-Louis Bourlanges, le Président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée Nationale. « L’armée azerbaïdjanaise contrôle tous les axes stratégiques et rend toute communication impossible. Nous avons vent d’exactions intolérables, avérées » , explique le chercheur Tigrane Yegavian. Exode contraint. Blessés sans soins. Aucune protection contre les viols, torture, arrestations, pillages et destruction du patrimoine culturel chrétien, l’un des plus anciens du monde.

Protection internationale

L’urgence est humanitaire et politique (2). L’ambassadrice d’Arménie en France Mme Tolmajian demande une protection internationale immédiate.

Mais la Communauté internationale qui n’a jamais reconnu l’indépendance du Haut-Karabakh regarde ailleurs. Elle feint de croire le dictateur Aliev quand il dit que les Arméniens deviendront des « citoyens égaux » alors qu’il réprime de manière sanguinaire toute opposition. Elle fait la sourde oreille aux nouvelles menaces de la Turquie et d’Aliev revendiquant le sud de l’Arménie.

Il est inacceptable d’abandonner les Arméniens du Haut-Karabakh dans ce huis clos. La Russie qui devait garantir la paix selon les accords a laissé faire l’Azerbaïdjan. Aucune condamnation vigoureuse ne s’est fait entendre même pas de la part du Vatican. Aucune sanction n’est brandie contre le dictateur d’Azerbaïdjan et ses suppôts. Les Européens ont versé 15,6 milliards d’€ à l’Azerbaïdjan en 2022 en échange de son gaz et ils annoncent doubler ces importations d’ici 2027 ! Les intérêts l’emportent !

Les députés européens protestent : « la faiblesse » et l’inaction des États membres « ont été comprises par Aliev comme un feu vert pour aller de l’avant […] Quelle autre catastrophe devons-nous attendre pour agir ? » , alerte l’eurodéputée Nathalie Loiseau. « S’il n’y a pas une action politique très forte, si on ne fait pas tout pour arrêter la destruction du peuple arménien, l’Arménie est en danger de mort », alerte Mme Tolmajian, ambassadrice d’Arménie en France.

C’est « la responsabilité du monde d’arrêter ce qui se passe sous ses yeux : le génocide arménien de 2023 » , appelle Luis Moreno Ocampo, ex-Premier procureur de la Cour pénale Internationale (3). Il rappelle que la communauté internationale a l’obligation de prévenir les génocides.

La passivité honteuse encourage les crimes d’aujourd’hui et prépare ceux de demain. C’est inacceptable. Il est grand temps que la France, membre du Conseil de Sécurité passe des paroles aux actes !

(1) Haut-Karabakh, Le livre noir, éd. Ellipses

(2) « Haut-Karabakh : Arméniens en danger », « Liberté & prospective », 25-9-23

(3) Washington Post le 22-9-22.

Source : OUEST FRANCE, le 27 septembre 2023

Arménie : l’abandon coupable d’une sœur de l’Occident

La colonne des Arméniens fuyant le Haut-Karabah par dizaines de milliers (capture d’écran : compte X @404Intel)

Arménie : l’abandon coupable d’une sœur de l’Occident

Depuis l’attaque menée par l’Azerbaïdjan contre le Haut-Karabagh le 19 septembre, aucune sanction d’envergure n’a été prise contre l’agresseur, aucun soutien réel n’a été apporté à l’Arménie, la sœur de l’Occident. En quoi cet abandon est-il grave ? Quelle responsabilité abdiquons-nous ? Que dit-il de nous ?

« Le peuple arménien ne nous était connu que par les coups qui le frappaient », écrivait en 1916 Anatole France. Le siècle qui nous sépare de cette phrase ne l’a hélas pas rendue caduque, et les coups continuent de pleuvoir. La rayure bleue qui traverse son drapeau symbolise la volonté qu’a l’Arménie de vivre sous un ciel paisible. Paisible, leur ciel l’est hélas bien peu depuis le 19 septembre dernier, depuis que des roquettes et des drones azerbaïdjanais sont venus le troubler, depuis que le hurlement des sirènes le déchire en continu… À l’heure où nous écrivons, des dizaines de milliers d’Arméniens du Haut-Karabagh sont sur les routes, fuyant l’invasion qui menace de n’être que la première étape d’une guerre bien plus totale. Depuis quelques mois, l’Azerbaïdjan les avait déjà affamés et affaiblis : aucune nourriture, aucun médicament, aucun gaz ne passaient plus la frontière du Haut-Karabagh. Mais le blocus n’a pas eu raison de la détermination arménienne ; les troupes de Bakou ont alors envahi ce territoire déjà exsangue par les privations.

Le destin de l’Arménie… et bien plus encore

L’Arménie joue une part de son destin sur ces plateaux. Dressé sur leurs hauteurs, le monastère d’Amaras, fondé au IVe siècle par le moine qui a aussi créé l’alphabet arménien, témoigne et crie au monde entier que cette terre est arménienne, qu’elle est le berceau civilisationnel de tout un peuple. Elle n’est que plus arménienne depuis l’invasion et son cortège de morts : arménienne par le sang versé. Et pourtant foulée par des semelles azéries. Mais il se joue davantage encore que le sort d’une nation : c’est « l’avenir du droit international le plus élémentaire, le droit humanitaire »[1], qui se décide sur ce petit bout de terre. Un pays n’a pas le droit d’envahir son voisin dès lors qu’il le surpasse militairement. Un soldat conquérant n’a pas le droit de torturer des prisonniers, de mutiler des soldats, d’assassiner des civils. Le droit du plus fort ne prévaut pas. Ces principes simples structurent l’ordre international, sur eux repose la fragile paix du monde. Dès lors, quand un agresseur entreprend de rayer de la carte et de l’histoire son voisin et que la communauté internationale détourne les yeux, c’est cet ordre-là tout entier qu’elle laisse se défaire. Theodore Roosevelt avait tiré la leçon du génocide arménien : « le massacre des Arméniens fut le plus grand crime de la guerre [1914-1918], et ne pas agir contre la Turquie revient à le tolérer. Hésiter à prendre radicalement parti contre l’horreur turque signifie que toute parole garantissant la paix dans le monde à l’avenir n’est que baliverne », écrit-il en 1918.

Les malheurs de l’Arménie auraient-ils lassé notre pitié ?

Voulons-nous vraiment, à nouveau, « hésiter à prendre radicalement parti » contre le sombre plan d’Ilham Aliyev qui ressemble en tous points à une épuration ethnique ? Leur sang crie-t-il en vain à nos oreilles ? Les malheurs de l’Arménie auraient-ils lassé notre pitié ? L’Europe creuse le lit de son déshonneur quand elle annonce vouloir acheter plus de gaz à l’Azerbaïdjan. Quand un sursaut nous saisira-t-il enfin, quand allons-nous dénoncer le contrat pétrolier et gazier honteux qui nous lie les pieds et les mains ? Le silence de l’Occident est d’autant plus assourdissant que l’Arménie, premier peuple au monde à avoir adopté le christianisme comme religion d’État, est « unie à nous par les liens de famille », qu’elle « prolonge en Orient le génie latin ». Et Anatole France de continuer par ses mots qui devraient interpeler tous nos dirigeants : « nous comprîmes enfin que c’était notre sœur d’Orient qui mourait, et qui mourait parce qu’elle était notre sœur et pour le crime d’avoir partagé nos sentiments, d’avoir aimé ce que nous aimons, pensé ce que nous pensons, cru ce que nous croyons, goûté comme nous la sagesse, l’équité, la poésie, les arts. (…) Son histoire se résume dans un effort séculaire pour conserver l’héritage intellectuel et moral de la Grèce et de Rome. Puissante, l’Arménie le défendit par ses armes et ses lois ; vaincue, asservie, elle en garda le culte dans son cœur. »

Mais comment pourrions-nous nous rendre compte que l’Arménie est notre sœur et que c’est un morceau de notre civilisation qu’elle incarne et défend ? Nous ne savons même plus que nous sommes l’Occident, et qu’ailleurs certains « gens sans importance »[2] ont, eux, gardé le sens de qui ils sont et de ce à quoi ils tiennent.

Heureusement, le peuple arménien n’oublie pas ce que symbolise la rayure rouge de son drapeau : la lutte continue pour la survie, pour le maintien de la foi chrétienne, pour l’indépendance et la liberté de leur patrie. « Un peuple qui ne veut pas mourir ne meurt pas. »[3]

Elisabeth Geffroy

[1] François-Xavier Bellamy au Parlement européen le 20 septembre 2023.
[2] William Saroyan, Mon nom est Aram (1940).
[3] Anatole France, discours prononcé le 9 avril 1916 à la Sorbonne.

Source: la Nef, le 26 septembre 2023

Au Haut-Karabagh, des milliers de chrétiens jetés sur les routes

ALAIN JOCARD/ AFP
Les habitants du Haut-Karabagh fuient l’enclave envahie par l’Azerbaïdjan, alors que les routes sont bloquées par les embouteillages, le 26 septembre.

La chute du Haut-Karabakh le 20 septembre dernier, provoquée par l’offensive azerbaïdjanaise, a entraîné l’exil de ses 120.000 habitants. Depuis une semaine, des milliers d’Arméniens sont contraints de prendre la route pour trouver refuge.

Le sang continue de couler dans l’enclave du Haut-Karabagh. Lundi 25 septembre au soir, l’explosion d’une citerne d’essence dans un dépôt de carburants a fait au moins 20 morts et plus de 200 blessés, selon les autorités du Haut-Karabagh – chiffre repris par l’AFP. L’explosion, dont l’origine n’a pas été dévoilée, a eu lieu alors que des « dizaines de personnes » attendaient leur tour pour faire le plein avant de fuir vers l’Arménie, selon Nouvelles d’Arménie.

Ce drame s’ajoute à la tragédie que vivent les 120.000 Arméniens du Haut-Karabagh, qui constituaient l’essentiel de la population de ce territoire. Depuis une semaine, ils sont forcés de fuir la région après l’offensive de l’Azerbaïdjan, le 19 septembre, qui a coûté la vie d’au moins 200 personnes et porté le coup de grâce à la république autoproclamée. Depuis, les images déchirantes de dizaines de milliers de réfugiés en exil affluent sur les réseaux sociaux. Elles montrent des embouteillages interminables de véhicules et de longues files de piétons aux visages exténués, chargés du peu d’affaires qu’ils ont pu emporter avec eux. 

Près de 29 000 réfugiés en Arménie

La population, déjà affaiblie par neuf mois de blocus éprouvant imposé par l’Azerbaïdjan, doit désormais chercher refuge en Arménie, dans des conditions particulièrement difficiles. « Ce qui compte pour eux, c’est de sauver leur vie et celles de leurs enfants, ils se disent que la nourriture et les soins viendront après », affirme à Aleteia Hovannhès Guévorkian, représentant de la république d’Artsakh en France.

Le 26 septembre au matin, les autorités arméniennes ont indiqué que 13.350 Arméniens du Haut-Karabagh avaient déjà rejoint le territoire. Le même jour au soir, ils étaient 28.120. Un début, puisque des milliers d’autres sont attendus dans les prochains jours. « Le corridor de Latchine, par où passent les réfugiés, est complètement bouché, et il y a des embouteillages sur plusieurs dizaines kilomètres », précise Hovannhès Guévorkian. « Les embouteillages sont tels qu’il leur faut plus de 20 heures pour faire seulement quelques kilomètres », soulève quant à elle l’AED (Aide à l’Eglise en Détresse). « Certaines personnes ont sans doute été arrêtées par les autorités azerbaïdjanaises, et l’on ne sait pas non plus ce qu’il en est des plus fragiles, qui sont privés de médicaments depuis des mois, d’eau potable, d’électricité. Ces personnes n’ont pas forcément les moyens matériels et la force de partir ». 

« La peur au ventre »

« La population réfugiée arrive en Arménie appauvrie, en état de malnutrition et la peur au ventre, souligne Hovannhès Guevorkian. Ils vivent dans des abris souterrains depuis le 19 septembre, et il y a encore deux jours, ils ne savaient pas si les Azéris allaient les laisser partir. » L’Arménie a déjà annoncé que sur le nombre de réfugiés arrivés sur son territoire, « plus de 2.500 » ont été logés ces trois derniers jours. Les autres, épuisés, devront encore attendre. « L’Etat arménien et les familles s’organisent pour accueillir les habitants du Haut-Karabagh, explique l’AED. Mais ils ont besoin du soutien de la communauté internationale, car l’Arménie est un petit pays enclavé qui ne dispose pas des mêmes ressources que l’Azerbaïdjan. » 

« Un génocide, ce n’est pas seulement tuer des personnes, c’est aussi tuer une culture. »

Les Arméniens du Haut-Karabagh le savent, ils ne reviendront pas chez eux. « C’est fini, souffle Hovannhès Guévorkian. Sans population au Haut-Karabagh, il n’y a plus de Haut-Karabagh. Un génocide, ce n’est pas seulement tuer des personnes, c’est aussi tuer une culture, et c’est exactement ce que fait l’Azerbaïdjan. En dispersant une population, c’est toute une culture, un dialecte, qui vont disparaître. »

Mais pour le diplomate, il faut désormais penser à la suite, malgré la douleur de la perte du Haut-Karabagh. « Je ferai tout pour que les Arméniens du Haut-Karabagh puissent rester en Arménie, pour faire en sorte qu’ils soient intégrés, et ne soient pas obligés de partir ailleurs », assure-t-il. « Ce serait un nouvel échec ».

Source : ALETEIA.ORG, le 26 septembre 2023