Le Pape François et Ahmed Al-Tayeb à Abu Dhabi, le 4 février 2019
Le grand imam d’Al-Azhar salue les efforts accomplis pour la fraternité
Dans un message vidéo, Ahmad Al-Tayyeb, qui a signé il y a trois ans à Abu Dhabi avec le Pape François le Document sur la fraternité humaine, explique combien le monde a «vraiment besoin d’amitié, de coopération et de solidarité», et cela au-delà des différences culturelles ou religieuses.
Antonella Palermo – Cité du Vatican
«Cette célébration signifie la recherche d’un monde meilleur dans lequel prévaut l’esprit de tolérance, de fraternité, de solidarité et de collaboration». Tels sont les mots d’Ahmad Al-Tayyeb, grand imam d’Al-Azhar et président du Conseil musulman des anciens, dans un message vidéo diffusé ce vendredi, à l’occasion de la Journée internationale de la fraternité humaine. Une initiative qui «montre aussi l’espoir de fournir des outils efficaces pour faire face aux crises et aux défis de l’humanité», en s’intéressant en particulier aux personnes vulnérables, mais aussi à ceux dont le cœur est endurci par les richesses, grâce auxquelles ils exercent leur autorité.
«Mon cher frère François»
Al-Tayyeb parle des plus pauvres comme des «victimes du matérialisme moderne dans tout son égoïsme excessif», et insiste sur le risque de l’idolâtrie de l’homme et de ses «penchants individualistes». Puis le grand imam salue son «cher frère François», qu’il qualifie de «compagnon sans cesse courageux sur le chemin de la fraternité et de la paix». Il exprime également sa profonde reconnaissance au cheikh Mohammed Bin Zayed, «qui suit les traces charitables de son père».
Le leader d’Al-Azhar salue «l’effort de promotion du Document sur la Fraternité Humaine et «le soutien authentique et sincère aux initiatives visant à le soutenir». Il rappelle que ce texte est le résultat d’une conviction commune de l’importance de la compréhension mutuelle entre les fidèles de différentes religions, sans exclure les non-croyants, et souligne l’objectif pour lequel il a été rédigé: «Se débarrasser des préjugés et des conflits qui conduisent souvent à des effusions de sang et à des guerres entre les personnes, en particulier entre les fidèles d’une même religion (…)». «C’est comme une chimère devenue réalité», explique Al-Tayyeb, qui rappelle que «tous les êtres humains sont des frères et sœurs».
Sortir les consciences de leur torpeur
Le grand imam note également que cette Journée internationale se situe dans le contexte de la pandémie, et il espère que la peur qui plane sur le monde réveillera «les consciences engourdies et les âmes arrogantes», tout en suscitant la solidarité entre les dirigeants sincères et les personnes de bonne volonté qui souhaitent libérer l’humanité des crises. Il se dit certain que les êtres humains, toutes races et confessions confondues, en particulier ceux qui sont appelés à prendre des décisions au niveau international, les personnalités religieuses et les grands intellectuels, «ne pourront, si Dieu le veut, surmonter ces crises difficiles et atténuer les souffrances, que s’ils sont à la hauteur de leurs responsabilités».
Le responsable d’Al-Azhar salue ensuite les membres du Haut Comité de la fraternité humaine, «qui continuent à travailler jour et nuit pour mettre en œuvre les objectifs de ce noble document, en lançant de nombreuses initiatives», et qui transcendent les différences, les frontières et les particularités. Son souhait est qu’ils puissent toujours être «comme un rayon d’espoir et une source d’inspiration constante pour tous ceux qui parcourent ce chemin épineux».
Continuer sur le chemin de la paix
«Nous nous sommes engagés sur cette voie dans l’espoir d’un monde nouveau, libéré des guerres et des conflits, où les craintifs et les pauvres sont rassurés et soutenus, les vulnérables protégés et la justice administrée», poursuit Al-Tayyeb dans son message vidéo. «Et bien que nous soyons certains que nos objectifs sont loin d’être accessibles dans un monde en proie à des conflits sans fin, (…) emprunter le chemin de la paix est prédestiné pour tous les croyants en Dieu».
Peu importe la lourdeur des obstacles, ajoute-t-il, réitérant son engagement personnel à «supprimer tous les stimuli de haine, de conflit et de guerre». «Nous avons vraiment besoin d’amitié, de coopération et de solidarité pour relever les véritables défis qui menacent l’humanité et compromettent sa stabilité», conclut le grand imam.
La fraternité est «l’ancre de salut pour l’humanité» déclare le Pape
Dans un message vidéo diffusé le vendredi 4 février à l’occasion de la 2e journée internationale de la fraternité humaine, le Saint-Père insiste sur l’importance d’envisager les relations entre les peuples comme celles «de l’unique famille humaine». Il invite à «une marche commune» capable de surpasser les divisions et l’indifférence.
Dans un message vidéo d’environ sept minutes, le Saint-Père définit d’abord la fraternité comme «une barrière contre la haine, la violence et l’injustice», et «l’une des valeurs fondamentales et universelles qui devrait être à la base des relations entre les peuples».
Elle devrait permettre à chaque être humain de se sentir membre de «l’unique famille humaine». «Nous sommes tous frères», lance Pape, comme en écho à sa dernière encyclique Fratelli tutti.
«Tous, nous vivons sous le même ciel»,répète-t-il également, «nous sommes tous différents et pourtant tous égaux, et cette période de pandémie nous l’a prouvé». Et François de mettre en garde, comme il l’a déjà fait en d’autres occasion ces derniers mois : «on ne se sauve pas tout seul !»
Cette fraternité trouve sa source en Dieu – «nous qui sommes ses créatures, nous devons nous reconnaître frères et sœurs».Il revient alors aux croyants de remplir une mission particulière : celle d’«aider nos frères et sœurs à élever le regard et la prière vers le Ciel», explique le Souverain Pontife. «Levons les yeux vers le Ciel, car celui qui adore Dieu avec un cœur sincère aime aussi le prochain», ajoute-t-il.
Sur une même route
«Vivre sous le même ciel» signifie aussi savoir «marcher ensemble». «Ne remettons pas à demain ou à un avenir dont on ne sait pas s’il adviendra ; aujourd’hui est le moment opportun pour marcher ensemble : croyants et toutes les personnes de bonne volonté, ensemble», déclare François. Autrement, c’est l’indifférence qui menace, et son cortège de guerres, de famines, de lacunes éducatives. «Ou bien nous sommes frères, ou bien tout s’écroule. Ce temps n’est pas le temps de l’oubli»,résume le Saint-Père avec gravité.
Le Pape concède que le chemin de la fraternité «est long, c’est un parcours difficile, mais elle est l’ancre de salut pour l’humanité». La fraternité seule est capable de faire face «aux nombreux signaux de menace, à l’obscurité du temps présent, à la logique du conflit». Le Souverain Pontife remercie ceux qui «s’uniront à notre chemin de fraternité», dans «l’harmonie des différences et dans le respect de l’identité de chacun». «J’encourage tout le monde à s’engager pour la cause de la paix et pour répondre aux problèmes et aux besoins concrets des derniers, des pauvres, de ceux qui sont sans défense», conclut-il.
Ce 4 février 2022 marque la 2e journée internationale de la fraternité humaine, initiative permise par l’Assemblée Générale des Nations Unies avec la résolution de décembre 2020.
Cardinal Michael Czerny, Préfet ad interim du Dicastère pour le Service du Développement Humain Intégral
Journée de la fraternité humaine, un témoignage de foi
Vivre sa foi comme des frères et sœurs, changer le regard sur l’autre, résister à l’agressivité des discours extrémistes, sont autant d’appels lancés par le Cardinal Michael Czerny, Préfet ad interim du Dicastère pour le Service du Développement Humain Intégral, à l’occasion de la célébration de la deuxième Journée mondiale de la fraternité humaine, ce 4 février.
Stanislas Kambashi,SJ – Cité du Vatican
La deuxième journée mondiale de la fraternité humaine aura lieu ce 4 février. En prélude à cette célébration, le Cardinal Michael Czerny, Préfet ad interim du Dicastère pour le Service du Développement Humain Intégral, a souligné certains aspects importants en lien avec cette journée, qui est pour lui une occasion de vivre la foi comme un témoignage, dans la réalité de chaque jour.
Pour le Cardinal Czerny, la fraternité nous vient de Dieu. «Nous sommes des frères et des sœurs, car nous sommes fils et filles de notre Père Céleste; et suivre Jésus, c’est traiter les autres en frères et sœurs». Nonobstant quelques obstacles, il est possible de vivre cette fraternité et rendre grâce à Dieu pour les pas déjà accomplis, estime le Préfet ad interim du Dicastère pour le Service du Développement Humain Intégral.
Pour le Cardinal Czerny, toutes les fois que l’on aide une personne à vivre pleinement son humanité, on vit aussi soi-même sa vocation. Une attention particulière doit donc être portée à toutes les dimensions de la vie, notamment dans les aspects sociaux, spirituels, etc.
Le Dicastère pour le Service du Développement Humain Intégral, au service de la fraternité humaine
Tout ce sur quoi se penche le Dicastère pour le Service du Développement Humain Intégral peut être interprété dans la ligne de la fraternité humaine, indique le Cardinal Czerny. «Parler d’environnement, des Droits de l’homme, de la paix, de la réconciliation, de tous les aspects du vivre ensemble dans le monde», touche à la fraternité. Le dicastère est là pour aider les Églises locales à mieux répondre aux défis qui se posent dans différents contextes, explique le cardinal.
Changer le regard que l’on porte sur l’«autre»
Pour cheminer vers la fraternité humaine pleinement souhaitée, le cardinal Czerny propose un changement de regard sur l’autre. «Si je peux proposer une chose cette année, c’est de reprendre un conseil du Saint Père: reconnaitre l’autre non pas dans la catégorie de la différence, mais d’abord dans les catégories de l’unité et de la fraternité». Il s’agit d’avoir le cœur ouvert et les mains ouvertes pour reconnaitre l’autre comme un frère ou une sœur, sans préjugés ni autre étiquette.
Résister à l’agressivité du discours extrémiste
Pour le Cardinal Czerny, il est enfin nécessaire de faire attention aux manifestations de l’extrémisme dans nos milieux de vie et d’avoir le courage de résister jusqu’à la dernière énergie aux discours xénophobes et extrémistes qui peuvent être agressifs.
« C’est aujourd’hui le temps de la fraternité », déclare le pape François
Et l’expo de Dubaï
« J’espère que des mesures concrètes seront prises, avec les croyants d’autres religions et les personnes de bonne volonté, pour affirmer que c’est aujourd’hui le temps de la fraternité », déclare le pape François à l’occasion de l’audience générale de ce mercredi 2 février 2022, dans la Salle Paul VI du Vatican.
Parlant en italien, vers la fin de l’audience, le pape a fait observer qu’ « après-demain, le 4 février, sera célébrée la deuxième Journée internationale de la fraternité humaine ».
Le pape a salué la mobilisation de différents pays: « C’est une source de satisfaction que les nations du monde entier se joignent à cette célébration, visant à promouvoir le dialogue interreligieux et interculturel, comme l’espère également le Document sur la fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune, signé le 4 février 2019 à Abou Dhabi par le Grand Imam d’Al-Azhar, Ahmed Al-Tayyeb et moi-même. »
Le pape a insisté sur la signification concrète de cette fraternité »: « La fraternité signifie tendre la main aux autres, les respecter et les écouter avec un cœur ouvert. J’espère que des mesures concrètes seront prises, avec les croyants d’autres religions et les personnes de bonne volonté, pour affirmer qu’aujourd’hui c’est le temps de la fraternité, en évitant d’alimenter les affrontements, les divisions et les fermetures. Prions et engageons-nous chaque jour pour que nous puissions tous vivre en paix comme frères et sœurs. »
La deuxième journée mondiale convoquée par l’ONU le 4 février, date anniversaire du document signé en 2019 par le pape et le grand imam d’Al-Azhar, sera particulièrement célébrée à l’Exposition universelle de Dubaï: le pavillon du Saint-Siège accueille en effet une conférence et une marche pour la fraternité, vendredi 4 février 2022.
Le cardinal Miguel Ángel Ayuso Guixot, président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, a expliqué au micro de Radio Vatican (Alessandro Di Bussolo) ce qui est organisé: « Cette année, nous célébrons d’une part les trois ans de la signature du document, et d’autre part la deuxième Journée internationale de la fraternité humaine, car il y a deux ans, les Nations unies ont établi dans une résolution que le 4 février serait consacré à la fraternité humaine, avec cette Journée internationale. L’année dernière, elle a été célébrée de manière virtuelle, mais cette année, profitant du grand événement international de l’Expo de Dubaï, « Connecting Minds, creating the future« , il a été décidé d’organiser la célébration dans le contexte de l’Expo. »
Il évoque tous les signataires de la Déclaration, depuis 2019: « Il y a un pavillon du Saint-Siège qui cherche à approfondir le thème de l’Expo, le concept de connecter les êtres humains pour promouvoir et répandre les canaux de dialogue à travers le monde et ainsi promouvoir la fraternité. Il y aura donc un événement unique à l’Expo le 4 février, organisé par toutes les composantes qui ont signé ce document de fraternité humaine. »
Le cardinal espagnol évoque le programme: « Et c’est le Saint-Siège, que je représenterai dans une conférence, avec Mgr Tomasz Trafny, le délégué du cardinal Gianfranco Ravasi, qui en tant que président du conseil pontifical de la Culture a la responsabilité de réaliser le pavillon du Saint-Siège dans le cadre de l’Expo Dubaï. Puis aussi Al-Azhar avec la présence de l’adjoint du Grand Imam et aussi avec le président de l’Université Al-Azhar (Mohamed Hussein Mahrasawi, n.d.r.) avec qui je partagerai une conférence publique devant tous les représentants de tous les pays qui sont présents à Dubai Expo. Et enfin, les membres du Haut-Comité pour la fraternité humaine seront également parmi nous. Cet événement matinal sera complété dans l’après-midi par une marche en faveur de la Fraternité, avec de nombreux représentants et autorités des Émirats Arabes Unis, ainsi que les représentants des pays présents à l’Expo. »
Irak: « Qu’on donne la parole aux artisans de paix! » (texte complet)
Premier discours du pape, devant les autorités et le corps diplomatique
« Que se taisent les armes » et qu’on « donne la parole aux artisans de paix » : le pape François a donné d’emblée une résonance internationale à son voyage en Irak en en appelant à la communauté internationale en même temps qu’aux autorités civiles et religieuses du pays, ce vendredi 5 mars 2021, au palais présidentiel de Bagdad. Le pape s’est lui même présenté, comme dans son message aux Irakiens en « pèlerin » mais « pénitent » pour demander pardon. Un vrai programme de sortie de crise, à long terme
Le pape avait été accueilli chaleureusement à l’aéroport de Bagdad par le Premier ministre Mustafa Abdellatif Mshatat (al-Kadhimi) avec lequel il a eu un entretien en particulier, accompagné de son interprète du Vatican, le p. Georges Ayoub, qui a aussi traduit l’entretien avec le président Saleh. Un échange de cadeaux a ensuite eu lieu: le pape a offert notamment un médaillon représentant la carte de l’Irak et le patriarche Abraham.
Rappelons que le président Barham Ahmed Saleh Qassim a rendu visite au pape au Vatican le 25 janvier 2020 pour renouveler l’invitation faire lors de la visite du card. Parolin à Bagdad en décembre 2018.
« Je viens comme un pénitent qui demande pardon au Ciel et aux frères pour de nombreuses destructions et cruautés. Je viens comme pèlerin de paix, au nom du Christ, Prince de la paix », a déclaré le pape devant les autorités et le corps diplomatique.
Il a rappelé les prière implorant la paix pour l’Irak, spécialement à partir de Jean-Paul II: « Combien nous avons prié, ces années, pour la paix en Irak! Saint Jean-Paul II n’a pas épargné les initiatives, et il a surtout offert prières et souffrances pour cela. Et Dieu écoute, écoute toujours! C’est à nous de l’écouter, de marcher dans ses voies. »
Alors voici la part de l’humanité décrite par le pape François: « Que se taisent les armes! Que la diffusion en soit limitée, ici et partout! »
Il ajoute: « Que cessent les intérêts partisans, ces intérêts extérieurs qui se désintéressent de la population locale. »
Au contraire, le pape demande qu’on écoute ceux qui prennent soin des autres: « Que l’on donne la parole aux bâtisseurs, aux artisans de paix; aux petits, aux pauvres, aux personnes simples qui veulent vivre, travailler, prier en paix! »
« Assez de violences, d’extrémismes, de factions, d’intolérances! », s’est exclamé le pape. Il indique une autre voie: « Qu’on laisse de la place à tous les citoyens qui veulent construire ensemble ce pays dans le dialogue, dans une confrontation franche et sincère, constructive; à celui qui s’engage pour la réconciliation et qui, pour le bien commun, est prêt à mettre de côté ses intérêts particuliers! »
Le pape a évoque les désastres par lesquels l’Irak est passé et a plaidé spécialement pour les Yézidis dont il rencontrera des représentant demain, 6 mars à Ur.
Evoquant aussi la pandémie, le pape de nouveau demandé un accès de tous aux vaccins et il a ajouté: « Il s’agit de sortir de ce temps d’épreuve meilleurs que nous étions avant; de construire un avenir fondé davantage sur ce qui nous unit que sur ce qui nous divise. »
Plus encore, le pape indique cette mission pour les Irakiens, pour le bien de toute la région, au-delà de leurs frontières: « Aujourd’hui, l’Irak est appelé à montrer à tous, en particulier au Moyen Orient, que les différences, plutôt que de donner lieu à des conflits doivent coopérer en harmonie dans la vie civile. »
Le pape a plaidé aussi pour la place des chrétiens dans la société irakienne: « Leur participation à la vie publique, en tant que citoyens jouissant pleinement de droits, de liberté et de responsabilité, témoignera qu’un sain pluralisme religieux, ethnique et culturel peut contribuer à la prospérité et à l’harmonie du pays. »
Voici le texte complet du discours du pape François.
AB
Discours du pape François
Monsieur le Président, Membres du Gouvernement et du Corps diplomatique Autorités distinguées, Représentants de la Société civile, Mesdames et Messieurs,
je suis heureux de l’opportunité qui m’est offerte de faire cette Visite, longtemps attendue et désirée, en République d’Irak, de venir sur cette terre, berceau de la civilisation, étroitement liée, à travers le Patriarche Abraham et de nombreux prophètes, à l’histoire du salut et aux grandes traditions religieuses du judaïsme, du christianisme et de l’islam. J’exprime ma gratitude à Monsieur le Président Salih pour son invitation et pour les aimables paroles de bienvenue qu’il m’a adressées également au nom des autres Autorités et de son bien aimé peuple. Je salue également les Membres du Corps diplomatique et les Représentants de la société civile.
Je salue affectueusement les évêques et les prêtres, les religieux et les religieuses et tous les fidèles de l’Eglise catholique. Je viens en pèlerin pour les encourager dans leur témoignage de foi, d’espérance et de charité dans la société irakienne. Je salue aussi les membres des autres Eglises et Communautés ecclésiales chrétiennes, les musulmans et les représentants des autres traditions religieuses. Que Dieu nous accorde de marcher ensemble, comme des frères et des sœurs, dans «la forte conviction que les vrais enseignements des religions invitent à demeurer ancrés dans les valeurs de la paix […] de la connaissance réciproque, de la fraternité humaine et de la coexistence commune» (Document sur la fraternité humaine, Abu Dhabi, 4 février 2019).
Ma visite a lieu au moment où le monde entier cherche à sortir de la crise de la pandémie de la Covid-19 qui non seulement a touché la santé de nombreuses personnes, mais qui a aussi provoqué la détérioration de conditions sociales et économiques déjà marquées par la fragilité et l’instabilité. Cette crise exige des efforts communs de la part de chacun pour faire les nombreux pas nécessaires, parmi lesquels une distribution équitable des vaccins pour tous. Mais cela ne suffit pas: cette crise est surtout un appel à «repenser nos modes de vie, […] le sens de notre existence » (Enc. Fratelli tutti, n. 33). Il s’agit de sortir de ce temps d’épreuve meilleurs que nous étions avant; de construire un avenir fondé davantage sur ce qui nous unit que sur ce qui nous divise.
Au cours des dernières décennies, l’Irak a souffert des désastres des guerres, du fléau du terrorisme et des conflits sectaires souvent fondés sur un fondamentalisme qui ne peut accepter la coexistence pacifique de différents groupes ethniques et religieux, d’idées et de cultures diverses. Tout cela a apporté mort, destructions, ruines encore visibles, et pas seulement au niveau matériel: les dommages sont encore plus profonds si l’on pense aux blessures des cœurs de tant de personnes et de communautés qui auront besoin d’années pour guérir.
Et ici, parmi les nombreuses personnes qui ont souffert, je ne peux pas ne pas rappeler les Yézidis, victimes innocentes de barbaries insensées et inhumaines, persécutés et tués en raison de leur appartenance religieuse dont l’identité même et la survie ont été menacées. Par conséquent, c’est seulement si nous réussissons à nous regarder entre nous avec nos différences, en tant que membres de la même famille humaine, que nous pourrons engager un véritable processus de reconstruction et laisser aux générations futures un monde meilleur, plus juste et plus humain. A cet égard, la diversité religieuse, culturelle et ethnique, qui a caractérisé la société irakienne pendant des millénaires, est une précieuse ressource à laquelle puiser, non pas un obstacle à éliminer. Aujourd’hui, l’Irak est appelé à montrer à tous, en particulier au Moyen Orient, que les différences, plutôt que de donner lieu à des conflits doivent coopérer en harmonie dans la vie civile.
La coexistence fraternelle a besoin du dialogue patient et sincère, protégé par la justice et le respect du droit. Ce n’est pas un exercice facile. Il demande effort et engagement de la part de tous pour dépasser rivalités et oppositions, et il requiert de se parler à partir de l’identité la plus profonde que nous avons, celle de fils de l’unique Dieu et Créateur (cf. Conc. œcum. Vat. II, Décl. Nostra aetate, n. 5). Sur la base de ce principe, le Saint-Siège, en Irak comme ailleurs, ne se lasse pas d’en appeler aux Autorités compétentes afin qu’elles accordent à toutes les communautés religieuses reconnaissance, respect, droits et protection. J’apprécie les efforts déjà entrepris en ce sens et j’unis ma voix à celle des hommes et des femmes de bonne volonté pour qu’elles persévèrent au bénéfice du pays.
Une société qui porte l’empreinte de l’unité fraternelle est une société dont les membres vivent dans la solidarité. «La solidarité nous aide à regarder l’autre […] comme notre prochain, compagnon de route » (Message pour la 54ème Journée Mondiale de la Paix, 1er janvier 2021). Elle est une vertu qui nous porte à faire des gestes concrets de soin et de service, avec une attention particulière aux plus vulnérables et aux plus nécessiteux. Je pense à ceux qui, à cause de la violence, de la persécution et du terrorisme, ont perdu des membres de leurs familles et des personnes chères, leur maison ou des biens de première nécessité. Mais je pense à tous ceux qui luttent chaque jour à la recherche de sécurité et de moyens pour avancer, alors que le chômage et la pauvreté augmentent. «La conscience que nous avons d’être responsables de la fragilité des autres » (Fratelli tutti, n. 115) devrait inspirer tout effort pour créer des possibilités concrètes, que ce soit sur le plan économique ou dans le domaine de l’éducation, comme aussi pour le soin de la création, notre maison commune. Après une crise, il ne suffit pas de reconstruire, il faut le faire bien, de manière à ce que tous puissent mener une vie digne. On ne sort pas d’une crise pareils qu’avant : on en sort ou meilleurs, ou pires.
En tant que responsables politiques et diplomatiques, vous êtes appelés à promouvoir cet esprit de solidarité fraternelle. Il est nécessaire de lutter contre la plaie de la corruption, les abus de pouvoir et l’illégalité, mais ce n’est pas suffisant. Il faut en même temps édifier la justice, faire grandir l’honnêteté, la transparence et renforcer les institutions à cet effet. De cette manière, la stabilité peut grandir et une saine politique peut se développer, capable d’offrir à tous, en particulier aux jeunes – si nombreux dans ce pays –, l’espérance d’un avenir meilleur.
Monsieur le Président, Autorités distinguées, chers amis! Je viens comme un pénitent qui demande pardon au Ciel et aux frères pour de nombreuses destructions et cruautés. Je viens comme pèlerin de paix, au nom du Christ, Prince de la paix. Combien nous avons prié, ces années, pour la paix en Irak! Saint Jean-Paul II n’a pas épargné les initiatives, et il a surtout offert prières et souffrances pour cela. Et Dieu écoute, écoute toujours! C’est à nous de l’écouter, de marcher dans ses voies.
Que se taisent les armes! Que la diffusion en soit limitée, ici et partout! Que cessent les intérêts partisans, ces intérêts extérieurs qui se désintéressent de la population locale. Que l’on donne la parole aux bâtisseurs, aux artisans de paix; aux petits, aux pauvres, aux personnes simples qui veulent vivre, travailler, prier en paix! Assez de violences, d’extrémismes, de factions, d’intolérances! Qu’on laisse de la place à tous les citoyens qui veulent construire ensemble ce pays dans le dialogue, dans une confrontation franche et sincère, constructive; à celui qui s’engage pour la réconciliation et qui, pour le bien commun, est prêt à mettre de côté ses intérêts particuliers!
Durant ces années, l’Irak a cherché à poser les bases d’une société démocratique. Il est indispensable en ce sens d’assurer la participation de tous les groupes politiques, sociaux et religieux, et de garantir les droits fondamentaux de tous les citoyens. Que personne ne soit considéré comme citoyen de deuxième classe. J’encourage les pas accomplis jusqu’ici sur ce parcours et j’espère qu’ils renforceront la sécurité et la concorde.
La Communauté internationale a, elle aussi, un rôle décisif à jouer dans la promotion de la paix sur cette terre et dans tout le Moyen Orient. Comme nous l’avons vu pendant le long conflit en Syrie toute proche – commencé cela fait dix ans ces jours-ci! –, les défis interpellent toujours davantage l’ensemble de la famille humaine. Ceux-ci requièrent une coopération à l’échelle mondiale dans le but d’affronter également les inégalités économiques et les tensions régionales qui menacent la stabilité de ces terres. Je remercie les Etats et les Organisations internationales qui œuvrent en Irak pour la reconstruction et pour procurer assistance aux réfugiés, aux déplacés internes et à ceux qui ont du mal à retourner chez eux, en rendant disponibles dans le pays nourriture, eau, logements, services sanitaires et hygiéniques, comme aussi des programmes en faveur de la réconciliation et de l’édification de la paix.
Et là, je ne peux pas ne pas rappeler les nombreuses agences, dont plusieurs catholiques, qui assistent avec grand dévouement depuis des années les populations civiles. Venir à la rencontre des besoins essentiels de tant de frères et sœurs est un acte de charité et de justice, et contribue à une paix durable. Je souhaite que les nations ne retirent pas du peuple irakien la main tendue de l’amitié et de l’engagement constructif, mais qu’elles continuent à œuvrer en esprit de commune responsabilité avec les Autorités locales, sans imposer des intérêts politiques ou idéologiques.
La religion, de par sa nature, doit être au service de la paix et de la fraternité. Le nom de Dieu ne peut pas être utilisé pour « justifier des actes d’homicide, d’exil, de terrorisme et d’oppression » (Document sur la fraternité humaine, Abu Dhabi, 4 février 2019). Au contraire, Dieu, qui a créé les êtres humains égaux en dignité et en droit, nous appelle à répandre amour, bienveillance, concorde. En Irak aussi l’Eglise catholique désire être amie de tous et, par le dialogue, collaborer de façon constructive avec les autres religions, à la cause de la paix. La présence très ancienne des chrétiens sur cette terre et leur contribution à la vie du pays constituent un riche héritage qui veut pouvoir se poursuivre au service de tous. Leur participation à la vie publique, en tant que citoyens jouissant pleinement de droits, de liberté et de responsabilité, témoignera qu’un sain pluralisme religieux, ethnique et culturel peut contribuer à la prospérité et à l’harmonie du pays.
Chers amis, je désire exprimer encore une fois ma sincère gratitude pour tout ce que vous avez fait et continuez de faire afin d’édifier une société empreinte d’unité fraternelle, de solidarité et de concorde. Le service du bien commun qui est le vôtre est une œuvre noble. Je demande au Tout-Puissant de vous soutenir dans vos responsabilités et de vous guider tous sur la voie de la sagesse, de la justice et de la vérité. Sur chacun de vous, sur vos familles et sur les personnes qui vous sont chères, et sur tout le peuple irakien, j’invoque l’abondance des bénédictions divines. Merci.