Fiducia Supplicans : la forme ecclésiale du “wokisme” selon Thibaud Collin

Dire du bien de ce qui est mal ? Libres propos d’un philosophe sur « Fiducia supplicans »

s.m.) Je reçois et je publie. L’auteur de la note, Thibaud Collin, est professeur de philosophie à Paris et a publié des essais importants sur la crise contemporaine du mariage.

Le « wokisme » auquel il fait référence est la vague actuelle de répulsion envers tout ce qui est considéré comme issu d’injustices passées. Dans l’Église, c’est la raison naturelle démolie par une nouvelle et contradictoire religion de l’inclusion, au nom de la miséricorde.

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Un « wokisme » ecclésial

de Thibaud Collin

Josef Ratzinger n’a cessé de rappeler que l’Eglise primitive a fait le choix d’une part de la raison en quête de sagesse contre le mythe et, d’autre part, de la nature, objet du questionnement de la raison contre la coutume dominant à une époque. Ce choix originel a scellé le devenir de l’intelligence de la foi et fondé les liens étroits qui unissent la théologie et la philosophie.

La lecture de “Fiducia supplicans” suscite des questions dans l’esprit du lecteur philosophe. Comme le dit Boileau dans “L’Art poétique” (1674) « ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément ». Or les lectures attentives de la déclaration du 18 décembre et du communiqué du 4 janvier 2024 ne permettent pas de lever quelques confusions. Les propos qui suivent n’ont d’autre but que de contribuer à l’intelligence de ce texte.

La question centrale nous semble être : à qui Dieu est-il censé donner sa bénédiction quand le prêtre l’invoque sur les personnes qui lui en font la demande ?

Jusqu’au § 30 inclus, la déclaration, après avoir distingué différents types de bénédiction, envisage comme sujet récepteur de la bénédiction les individus. Puis soudainement au § 31 elle affirme que ces distinctions fondent la possibilité de « bénir les couples en situation irrégulière et les couples de même sexe. » Ce passage d’individu à couple n’est pas justifié alors qu’il est le cœur du texte, tout le monde admettant que Dieu peut bénir une personne humaine en tant que telle.

La déclaration affirme donc que le sujet récepteur d’une bénédiction, fut-elle informelle et effectuée en dix secondes, peut être « un couple irrégulier » ou « un couple de même sexe ».  Or bénir un couple, est-ce la même chose que bénir deux individus ? Ce qui amène à poser la question : qu’est-ce qui fait qu’un couple est un couple ?

Un couple est un tout qui est plus que la somme de ses parties, à savoir les deux individus. C’est une entité ayant sa consistance propre, un être relationnel distinct des deux termes en relation. Quel est le fondement de cet être si ce n’est le choix réciproque par lequel ces deux individus consentent ensemble à un même lien qui les oblige ? Bref, en droit naturel ce qui constitue un couple est le mariage.

Le mariage est une institution irréductible à une simple relation d’intersubjectivité car les deux conjoints assument un lien objectif que la nature humaine, la société et ultimement Dieu leur proposent. Les deux individus s’engagent l’un envers l’autre en tant qu’homme et femme et leur alliance est potentiellement le lieu de l’advenue à l’être d’un tiers, l’enfant. La notion de couple connote donc en elle-même la conjugalité qui, rappelons-le, a pour racine le joug, instrument distinct des deux bœufs qu’il relie. Dès lors, parler de « couple irrégulier » ou de « couple de même sexe » est lourd de sens car un tel usage reconnaît, au moins implicitement, que la relation entre ces deux individus participe analogiquement à l’ordre de la conjugalité. Telle est la logique laïque de certaines législations civiles qui considèrent le mariage comme dissoluble et sexuellement indifférencié. Telle n’est pas la logique catholique réaffirmée dans les § 4 et 11 de la déclaration.

Mais comment lire de manière logique le § 31 après les énoncés des § 4 et 11 ? Utiliser la notion de couple pour désigner la relation entre deux individus n’étant pas mariés signifierait-il que l’Eglise reconnaît désormais que la relation sexuelle est par elle-même suffisante pour que ces deux individus forment une entité à part entière, susceptible d’être le sujet récepteur d’une bénédiction de Dieu ? Et Dieu peut-il bénir une relation formant un « couple » dont l’élément constitutif est en contradiction avec son dessein de sagesse et d’amour envers les êtres humains ?

A cette question le § 31 semble répondre en disant que Dieu bénit « tout ce qui est vrai, bon et humainement valable dans leur vie et dans leurs relations ». Mais qui ne voit que bénir ce qui est bon dans une relation n’est pas bénir la relation elle-même ? Or la déclaration affirme bien que c’est le couple lui-même qui est censé être béni par Dieu. Le texte passe d’individu à couple comme sujet récepteur grâce à l’argument des éléments positifs qui sont engagés dans la relation. Dieu ne bénirait pas leurs relations sexuelles contraire à sa sage volonté mais les biens authentiques qui sont vécus et partagés ; Dieu bénirait alors leur relation en tant qu’elle est une amitié, relation dans laquelle chaque ami est affirmé par l’autre dans sa valeur même de personne et jamais réduit à ses valeurs sexuelles.

Faut-il en conclure que par cette déclaration, l’Eglise enseigne désormais que toute amitié crée un couple, alors que jusqu’à maintenant « être en couple » était une expression renvoyant à un lien exclusif contrairement aux liens d’amitié ? Cela paraît peu probable. Le sens des mots résiste donc à notre questionnement et nous conduit à formuler une hypothèse interprétative afin de saisir l’intelligence du texte.

De même que l’ouverture du mariage civil aux personnes de même sexe a modifié la nature même du mariage, de même la possibilité de bénir des « couples irrégulier ou de même sexe » change la nature de la bénédiction. De quoi cette nouvelle bénédiction serait-elle alors le nom ? Notre hypothèse est qu’elle devient synonyme de reconnaissance, en entendant dans ce terme toute la charge sémantique que les « minorités discriminées et éveillées » ont investi dans ce que l’on appelle « la politique de la reconnaissance ». En offrant la possibilité d’être béni en tant que « couple », “Fiducia supplicans” veut manifester à ces personnes en souffrance qu’elles sont aimées de Dieu. En qualifiant leur relation de « couple », elle autorise les prêtres à user de leur médiation sacerdotale pour attribuer de facto une certaine légitimité à leur situation relationnelle.

Si tel n’était pas le cas, il aurait suffi de dire que le prêtre peut bénir chaque individu et il n’y aurait pas eu besoin d’inventer un nouveau type de bénédiction. Le texte affirme qu’alors la bénédiction liturgique exige que ce qui est béni soit conforme à la volonté de Dieu (§ 9), la « simple bénédiction » n’exige pas de « conditions morales » préalables. Pourtant il est manifeste que le Rituel romain propose déjà de nombreuses bénédictions n’exigeant pas les mêmes dispositions individuelles que pour la réception des sacrements. Il faut donc envisager que l’expression « conditions morales » désigne ici des situations relationnelles(et non individuelles) contraires à la volonté de Dieu. Le nouveau type de bénédiction est pensé comme un geste pastoral censé signifier « la force inconditionnelle de l’amour de Dieu » (§ 12).

Posons dès lors la question sur ce que présuppose ici le texte. Quel est le type de bénédiction qui manifeste le plus l’amour inconditionnel de Dieu : la bénédiction conditionnelle (liturgique) ou la bénédiction inconditionnelle (spontanée) ? La réponse est dans la question ! La bénédiction liturgique discrimine-t-elle ? Oui, mais ce ne sont pas les personnes qui sont discriminées mais les situations relationnelles, certaines pouvant être bénies pas Dieu car étant conformes à sa volonté et d’autres ne le pouvant pas puisqu’elles lui sont opposées. Donc le critère de distinction entre les deux types de bénédiction est que la bénédiction liturgique discrimine les « couples irréguliers » et les « couples de même sexe » alors que la nouvelle bénédiction ne les discrimine pas.

Elle est donc la manifestation d’une volonté ecclésiale d’ « inclusion » (§ 19) que le texte justifie comme manifestant la miséricorde infinie de Dieu. Ainsi Dieu serait « inclusif » quand il bénit spontanément et non liturgiquement tous les « couples », et ceux qui refuseraient de bénir certains « couples » seraient des « juges qui ne font que refuser, rejeter, exclure » (§ 13) La logique inclusive refusant de différencier promeut une indifférenciation sémantique du terme couple. La logique liturgique et dogmatique, elle, distingue ; et à ce titre, elle est présentée dans le texte comme manifestant moins la bonté de Dieu. Mais alors que Dieu veut-il ? Peut-il vouloir d’une main ce qu’il refuse de l’autre ? Dieu peut-il dire du bien de ce qui contredit son sage et bienveillant dessein ?

Comment sortir de cette contradiction ? Soit en niant que Dieu puisse vouloir bénir des « couples irréguliers et des couples de même sexe » en tant que tels. Soit en remettant en cause le fondement sur lequel l’Eglise s’est appuyée jusqu’alors pour affirmer que Dieu ne peut pas vouloir bénir de tels « couples ».

D’où la question centrale : dans quelle mesure la déclaration “Fiducia supplicans” ne déconstruit-elle pas implicitement la doctrine morale et anthropologique fondant la pratique des bénédictions ? Si c’est le cas, elle ferait sienne une autre logique, celle de l’inclusion, justifiée au nom d’une pastorale présentée comme plus adéquate à la miséricorde divine.

Cette nouvelle pastorale serait la forme ecclésiale du “wokisme”, car elle engendrerait de facto une déconstruction de ce qui s’y oppose, l’ordre humain naturel jusqu’alors assumé par la doctrine catholique et jugé aujourd’hui par l’esprit du monde comme discriminatoire.

Source: DIAKONOS, le 12 janvier 2024

Face à la levée de boucliers suscitée par Fiducia supplicans, le Vatican publie un communiqué pour clarifier sa position

© Photographie par VATICAN MEDIA / CPP / HANS LUCAS.

Face à la levée de boucliers suscitée par Fiducia supplicans, le Vatican publie un communiqué pour clarifier sa position

Le communiqué suffira-t-il à apaiser le débat ? On peut en douter… C’est en tout cas un beau gâchis qui compromet la crédibilité de l’institution.

BÉNÉDICTION DES HOMOSEXUELS : LE VATICAN CLARIFIE SA POSITION DANS UN COMMUNIQUÉ

Lundi 18 décembre 2023, le dicastère pour la doctrine de la foi donnait son feu vert pour la bénédiction des couples dits « irréguliers », homosexuels ou personnes divorcées, dans un document validé par le pape François intitulé Fiducia supplicans. Depuis, le texte fait polémique au sein de l’Église. Le Vatican a donc publié un communiqué pour apporter des précisions au texte initial. Retrouvez-le en intégralité.

Communiqué de presse pour aider à clarifier la réception de Fiducia supplicans, recommandant une lecture complète et attentive de la Déclaration pour mieux comprendre le sens de sa proposition.

1. Doctrine

Les déclarations compréhensibles de certaines conférences épiscopales par rapport au document Fiducia supplicans ont le mérite de mettre en évidence la nécessité d’un plus long temps de réflexion pastorale. Ce qu’ont exprimé ces conférences épiscopales ne peut être interprété comme une opposition doctrinale parce que le document est clair et classique sur le mariage et la sexualité. Plusieurs phrases fortes dans la Déclaration ne laissent planer aucun doute :

«Cette déclaration reste ferme sur la doctrine traditionnelle de l’Église concernant le mariage, n’autorisant aucun type de rite liturgique ou de bénédiction similaire à un rite liturgique qui pourrait prêter à confusion». On agit, face à des couples en situation irrégulière, «sans valider officiellement leur statut ni modifier en quoi que ce soit l’enseignement pérenne de l’Église sur le mariage» (Présentation).

«Sont inadmissibles les rites et les prières qui pourraient créer une confusion entre ce qui est constitutif du mariage, à savoir « une union exclusive, stable et indissoluble entre un homme et une femme, naturellement ouverte à la génération d’enfants », et ce qui le contredit. Cette conviction est fondée sur la doctrine catholique pérenne du mariage. Ce n’est que dans ce contexte que les relations sexuelles trouvent leur sens naturel, propre et pleinement humain. La doctrine de l’Église sur ce point reste ferme»(4).

«Tel est également le sens du Responsum de l’ancienne Congrégation pour la Doctrine de la Foi, lorsqu’il affirme que l’Église n’a pas le pouvoir de donner des bénédictions aux unions entre personnes du même sexe»(5).

«C’est pourquoi, étant donné que l’Église a toujours considéré comme moralement licites uniquement les relations sexuelles vécues dans le cadre du mariage, elle n’a pas le pouvoir de conférer sa bénédiction liturgique lorsque celle-ci peut, d’une certaine manière, offrir une forme de légitimité morale à une union qui se présente comme un mariage ou à une pratique sexuelle extra maritale»(11).

Il est clair qu’il n’y aurait pas de place pour se distancer doctrinalement de cette Déclaration ou pour la considérer comme hérétique, contraire à la Tradition de l’Église ou blasphématoire.

2. Réception pratique

Toutefois, certains évêques s’expriment surtout sur un aspect pratique: les possibles bénédictions de couples en situation irrégulière. La Déclaration contient la proposition de brèves et simples bénédictions pastorales (ni liturgiques ni ritualisées) de couples en situation irrégulière (et non pas des unions), étant entendu qu’il s’agit de bénédictions sans forme liturgique qui n’approuvent ni ne justifient la situation dans laquelle se trouvent ces personnes.

Les documents du Dicastère pour la Doctrine de la Foi, tels que Fiducia supplicans, peuvent requérir, dans leurs aspects pratiques, plus ou moins de temps pour leur application selon les contextes locaux en fonction du discernement de chaque évêque diocésain dans son propre diocèse. En certains endroits, il n’y a pas de difficulté pour une application immédiate, ailleurs, il est nécessaire de ne pas innover tout en prenant le temps nécessaire pour la lecture et l’interprétation.

Certains évêques, par exemple, ont établi que chaque prêtre peut discerner mais qu’il ne peut réaliser ces bénédictions qu’en privé. Cela ne pose pas de problème si on l’exprime dans le respect d’un texte signé et approuvé par le Souverain Pontife lui­-même en cherchant à accueillir la réflexion qu’il contient.

Chaque évêque local, en vertu de sa fonction propre, a toujours le pouvoir de discernement in loco, dans ce lieu concret qu’il connait mieux que d’autres parce qu’il s’agit de son troupeau. La prudence et l’attention au contexte ecclésial et à la culture locale pourraient admettre différentes modalités d’application, mais pas une négation totale ou définitive de ce chemin proposé aux prêtres.

3. La situation délicate de certains pays

Le cas de certaines conférences épiscopales doit etre compris dans son contexte. En différents pays, il existe de fortes questions culturelles, voire juridiques, qui exigent du temps et des stratégies pastorales qui vont au-delà du court terme.

S’il existe des législations qui condamnent à l’emprisonnement et, dans certains cas, à la torture voire à la mort le simple fait de se déclarer homosexuel, on comprend qu’une bénédiction serait imprudente. Il est évident que les évêques ne veulent pas exposer les personnes homosexuelles à la violence. Ce qui est important c’est que ces conférences épiscopales ne défendent pas une doctrine différente de celle de la Déclaration approuvée par le Pape, puisqu’elle est la doctrine établie, mais qu’elles proposent plutôt la nécessité d’une étude et d’un discernement afin d’agir avec prudence pastorale dans ce contexte.

En vérité, les pays qui condamnent, interdisent et criminalisent l’homosexualité à des degrés divers ne sont pas rares. Dans ces cas, au-delà de la question des bénédictions, il y a une tâche pastorale, vaste et à long terme, qui comprend la formation, la défense de la dignité humaine, l’enseignement de la doctrine sociale de l’Église et diverses stratégies qui n’admettent pas la précipitation.

4. La véritable nouveauté du document

La véritable nouveauté de cette Déclaration, celle qui demande un effort généreux de réception et dont personne ne devrait se déclarer exclu, n’est pas la possibilité de bénir des couples en situation irrégulière. C’est l’invitation à distinguer deux formes différentes de bénédictions: «liturgique ou ritualisée» et«spontanée ou pastorale». Dans la Présentation, il est clairement expliqué que «la valeur de ce document, [… ], est qu’il offre une contribution spécifique et innovante à la signifìcation pastorale des bénédictions, qui permet d’en élargir et enrichir la compréhension classique, étroitement liée à une perspective liturgique. Cette réflexion théologique, basée sur la vision pastorale du Pape François, implique un réel développement par rapport à ce qui a été dit sur les bénédictions dans le Magistère et les textes officiels de l’Église».

En arrière-plan on trouve l’ évaluation positive de la «pastorale populaire» qui apparait en de nombreux textes du Saint-Père. Dans ce contexte, il nous invite à une valorisation de la foi simple du peuple de Dieu qui, même au milieu de ses péchés, sort de l’ immanence et ouvre son cœur pour demander l’aide de Dieu.

C’est pourquoi, plutôt que de se rapporter à la bénédiction des couples en situation irrégulière, le texte du Dicastère a adopté le haut profil d’une Déclaration qui est bien plus qu’un Responsum ou qu’une Lettre. Son thème centrai, qui nous invite surtout à un approfondissement qui enrichisse notre pratique pastorale, est la compréhension plus ample des bénédictions et la proposition d’accroitre les bénédictions pastorales qui ne requièrent pas les mêmes conditions que les bénédictions en contexte liturgique ou rituel. Par conséquent, au-delà des polémiques, ce texte réclame un effort de réflexion sereine, avec un cœur de pasteur, hors de toute idéologie.

Mème si certains évêques considèrent qu’il est prudent, pour le moment, de ne pas donner ces bénédictions, nous devons tous grandir dans la conviction que les bénédictions non ritualisées ne sont pas une consécration de la personne ou du couple qui les reçoit, elles ne sont pas une justification de toutes leurs actions, elles ne sont pas une ratification de la vie qu’il mène. Lorsque le Pape nous a demandé de grandir dans une compréhension plus ample des bénédictions pastorales, il nous a proposé de penser à une manière de bénir qui ne nécessite pas de poser de nombreuses conditions pour ce geste simple de proximité pastorale qui est une ressource pour promouvoir l’ouverture à Dieu au milieu des circonstances les plus diverses.

5. Comment se présentent concrètement ces «bénédictions pastorales»?

Pour se distinguer clairement des bénédictions liturgiques ou ritualisées, les «bénédictions pastorales» doivent avant tout être très brèves (cf. n° 28). Ce sont des bénédictions de quelques secondes, sans Rituel et sans Livre des bénédictions. Si deux personnes s’ approchent pour l’implorer, on demande simplement au Seigneur la paix, la santé et d’autres choses bonnes pour ces deux personnes qui la sollicitent. On demande aussi qu’elles puissent vivre en pleine fidélité à l’Évangile du Christ et que l’Esprit Saint délivre ces deux personnes de tout ce qui ne répond pas à sa volonté divine et de tout ce qui a besoin d’une purification.

Cette forme de bénédiction non ritualisée, par la simplicité et la brièveté de sa forme, ne prétend pas justifier quelque chose qui n’est pas moralement acceptable. Il ne s’agit évidemment pas d’un mariage, mais il ne s’agit pas non plus d’une «approbation» ou d’une ratification de quoi que ce soit. Il s’agit simplement de la réponse d’un pasteur à deux personnes qui demandent l’aide de Dieu. Dans ce cas, le pasteur ne pose pas de conditions et ne veut pas connaître la vie intime de ces personnes.

Puisque certains ont exprimé leur difficulté à comprendre à quoi pourraient ressembler ces bénédictions, prenons un exemple concret: imaginons qu’au cours d’un grand pèlerinage, un couple de divorcés engagés dans une nouvelle union dise au prêtre: «S’il vous plaìt, donnez-nous une bénédiction, nous ne pouvons pas trouver de travail, lui est très malade, nous n’avons pas de maison, la vie devient très lourde: que Dieu nous aide!».

Dans ce cas, le prêtre peut dire une prière simple, semblable à celle-ci : «Seigneur, regarde tes enfants, accorde-leur la santé, le travail, la paix et l’aide réciproque. Délivre-les de tout ce qui contredit ton Évangile et donne-leur de vivre selon ta volonté. Amen». Et il conclut par un signe de croix sur chacun des deux.

Il s’agit de 10 ou 15 secondes. Y aurait-il un sens à refuser ce type de bénédiction à ces deux personnes qui l’implorent? Est-ce que cela ne vaut pas la peine de soutenir leur foi, qu’elle soit petite ou grande, de soutenir leurs faiblesses grâce à la bénédiction divine et d’offrir un canal à cette ouverture à la transcendance qui pourrait les conduire à être plus fidèles à l’Évangile?

Pour éviter toute ambiguïté, la Déclaration ajoute que lorsque la bénédiction est demandée par un couple en situation irrégulière, «bien qu’exprimée en dehors des rites prescrits par les livres liturgiques, [… ] cette bénédiction ne sera jamais accomplie en même temps que les rites civils d’union, ni même en relation avec eux. Ni non plus avec des vêtements, des gestes ou des paroles propres au mariage. Il en va de même lorsque la bénédiction est demandée par un couple de même sexe» (39). Il est donc entendu qu’elle ne doit pas avoir lieu en un lieu important d’un édifice sacré ni devant l’autel car cela créerait de la confusion.

Par conséquent, chaque évêque dans son diocèse est autorisé par la Déclaration Fiducia supplicans à permettre ce type de bénédictions simples, avec toutes les recommandations de prudence et d’attention, mais en aucun cas il n’est autorisé à proposer ou à mettre en œuvre des bénédictions qui pourraient ressembler à un rite liturgique.

6. Catéchèse

Peut-être qu’en certains lieux une catéchèse sera nécessaire pour faire comprendre que ce genre de bénédictions n’est pas une ratification de la vie menée par ceux qui la demandent. Elles sont encore moins une absolution car ces gestes sont loin d’être un sacrement ou un rite. Ce sont de simples expressions de proximité pastorale qui n’ont pas les mêmes exigences qu’un sacrement ou un rite formel. Nous devrons nous habituer à accepter que si un prêtre donne ce genre de bénédiction simple, il n’est pas hérétique, il ne ratifie rien et il ne nie pas la doctrine catholique.

Nous pouvons aider le peuple de Dieu à découvrir que ce type de bénédictions sont de simples canaux pastoraux qui aident les personnes à manifester leur foi, même si elles sont de grands pécheurs. Par conséquent, en donnant cette bénédiction à deux personnes qui s’approchent spontanément pour l’implorer, nous ne les consacrons pas, nous ne les félicitons pas et nous n’approuvons pas ce type d’union. En réalité, il en va de même lorsque nous bénissons des individus, car l’individu qui demande une bénédiction -et non pas l’absolution- peut être un grand pécheur, mais nous ne lui refusons pas, pour ce motif, ce geste paternel au milieu de sa lutte pour survivre.

Si cela est éclairé par une bonne catéchèse, nous pouvons nous libérer de la peur que nos bénédictions n’expriment quelque chose d’inadéquat. Nous pourrions être des ministres plus libres et peut-être plus proches et plus féconds, avec un ministère empli de gestes de paternité et de proximité, sans craindre d’être mal compris.

Demandons au Seigneur nouveau-né de répandre sur tous une bénédiction généreuse et gratuite, afin que nous puissions vivre une année 2024 sainte et heureuse.

Victor Manuel Card. FERNANDEZ, Préfet

Mons. Armando MATTEO, Secrétaire pour la Section Doctrinale

Source : RCF, le 4 janvier 2024

Cardinal Fernández : les directives du Vatican sur les bénédictions homosexuelles sont une « réponse claire » aux évêques allemands

Cardinal Víctor Manuel Fernández. | Credit: Daniel Ibáñez/ACI Prensa

Cardinal Fernández : les directives du Vatican sur les bénédictions homosexuelles sont une « réponse claire » aux évêques allemands

Au milieu d’une grande confusion concernant les récentes orientations du Vatican sur les bénédictions homosexuelles, l’architecte du document s’en est pris à ceux qui défendent l’interprétation la plus libérale : Le leadership catholique en Allemagne. 

Le cardinal Victor Manuel Fernández, préfet du Dicastère du Vatican pour la doctrine de la foi (DDF) et conseiller théologique de longue date du pape François, a décrit Fiducia Supplicans comme une « réponse claire » aux projets allemands visant à officialiser les bénédictions liturgiques pour les couples de même sexe, ce qui est explicitement interdit par les orientations du 18 décembre.

« Ce n’est pas la réponse que les gens de deux ou trois pays aimeraient avoir », a déclaré Mgr Fernández à propos de Fiducia Supplicans dans une interview accordée le 3 janvier au journal catholique allemand Die Tagespost. « Il s’agit plutôt d’une réponse pastorale que tout le monde pourrait accepter, même si c’est avec difficulté. 

Les orientations du Vatican proposent la possibilité de « bénédictions spontanées » pour les couples de même sexe et ceux qui ont des « relations irrégulières », mais « sans valider officiellement leur statut ni modifier de quelque manière que ce soit l’enseignement pérenne de l’Église sur le mariage ». Pour éviter toute confusion, Fiducia Supplicans interdit la promotion de bénédictions formelles et l’utilisation de tout vêtement ou symbole qui pourrait donner l’impression d’une bénédiction maritale. 

Les membres de la controversée Voie synodale allemande, une collaboration entre la Conférence épiscopale allemande (DBK) et un puissant lobby laïc (ZdK), ont approuvé à une écrasante majorité l’élaboration de textes rituels formalisés pour les bénédictions de personnes de même sexe lors d’une assemblée qui s’est tenue en mars 2023 à Francfort.

Depuis lors, plusieurs évêques allemands ont autorisé la bénédiction publique de couples de même sexe dans leurs diocèses. Suite à la publication de Fiducia Supplicans, Birgit Mock, vice-présidente du ZdK, a déclaré que l’Église en Allemagne n’abandonnerait pas son projet d’élaborer un texte officiel pour les bénédictions de couples de même sexe, malgré les interdictions de la directive.

Mgr Fernández a suggéré que certains catholiques allemands pourraient ne pas apprécier les perspectives des catholiques d’autres parties du monde sur les questions liées à la sexualité.

« En écoutant certaines réflexions faites dans le cadre du chemin synodal allemand, il semble parfois qu’une partie du monde se sente particulièrement ‘éclairée’ pour comprendre ce que les autres pauvres misérables sont incapables de saisir parce qu’ils sont fermés ou médiévaux, et ensuite cette partie ‘éclairée’ croit naïvement que grâce à elle, toute l’Église universelle est réformée et libérée des vieux schémas », a déclaré Mgr Fernández à Die Tagespost.

De même, le chef du DDF a suggéré que certains dirigeants catholiques allemands n’apprécient pas les efforts du pape François pour maintenir l’unité de l’Église.

« Certains évêques allemands ne semblent pas comprendre qu’un pape libéral ou éclairé ne pourrait pas garantir cette communion entre les Allemands, les Africains, les Asiatiques, les Latino-Américains, les Russes, et ainsi de suite », a déclaré Mgr Fernández. En revanche, un pape « pastoral » est en mesure de le faire, car il préserve l’enseignement de l’Église tout en lui permettant « d’entrer en dialogue avec la vie concrète, souvent si blessée, des fidèles ».

Mgr Fernández a également remis en question le fondement de la Voie synodale pour essayer de changer radicalement l’enseignement et la pratique de l’Église en matière de sexualité et de gouvernance, à savoir la nécessité de s’attaquer aux causes systémiques de la crise des abus sexuels. 

« Croire que dans une partie du monde, la crise causée par les abus sexuels peut être résolue par des décisions contraires à l’enseignement de l’Église universelle n’est, à mon avis, même pas raisonnablement justifié », a déclaré Mgr Fernández, notant que « certaines communautés chrétiennes non catholiques » ayant des conceptions différentes de la sexualité et de l’autorité sont également en proie à des problèmes liés aux abus sexuels. 

La publication de Fiducia Supplicans a été marquée par une grande confusion et des interprétations contradictoires, les évêques de pays d’Afrique et d’Europe de l’Est interdisant les bénédictions proposées dans leurs juridictions, tandis que les prélats de pays comme l’Allemagne ont qualifié le document de confirmation de leur volonté de changement. 

L’interview de mercredi n’était pas la première fois que Mgr Fernández abordait l’impact de Fiducia Supplicans, et notamment son importance pour l’Église catholique en Allemagne. 

Dans une interview accordée le 23 décembre, il a déclaré à The Pillar que la promotion par certains épiscopats de bénédictions rituelles de couples irréguliers était « inadmissible » et qu' »ils devraient reformuler leur proposition à cet égard ». 

L’Argentin a également déclaré qu’il « prévoyait un voyage en Allemagne pour avoir des conversations que je crois importantes ».

Dans l’interview accordée à Die Tagespost, le cardinal a également évoqué les dialogues en cours entre le Vatican et les représentants de la DBK. Deux d’entre eux ont déjà eu lieu, le prochain devant se tenir à Rome ce mois-ci. 

Mgr Fernández a réaffirmé que la discussion sur les changements de l’enseignement de l’Église sur la sexualité et les ordres sacrés réservés aux hommes ne serait pas à l’ordre du jour des prochaines réunions, ce que le secrétaire d’État du Vatican, le cardinal Pietro Parolin, avait déjà fait savoir à la DBK dans une lettre datée du mois d’octobre. Toutefois, le chef du DDF a laissé entendre que « la porte reste ouverte » pour discuter de la manière dont les aspects réformables des questions concernées « peuvent être approfondis » et éventuellement conduire à « un développement pastoral » similaire à Fiducia Supplicans. 

Le cardinal a également abordé les préparatifs en cours des dirigeants de l’Église allemande en vue d’établir un « conseil synodal » d’évêques et de laïcs – ce qui a été interdit par les hauts responsables du Vatican dans une lettre de janvier 2023 explicitement approuvée par le pape François. 

Le comité synodal qui prépare le terrain pour le Conseil synodal a tenu sa première réunion les 10 et 11 novembre, bien qu’elle ait été boycottée par quatre ordinaires allemands, tandis que quatre autres n’ont pas été en mesure d’y assister, invoquant des conflits d’horaire. Le DBK devrait voter sur l’adoption des statuts du comité lors de sa session plénière de février à Augsbourg. Dans son interview au quotidien Die Tagespost, Mgr Fernández a mis l’accent sur la patience. 

La condition de la poursuite du dialogue entre le Vatican et la DBK est que « nous ne continuions pas à prendre des décisions qui ne seront discutées que lors de réunions ultérieures ». 

Nous devons nous rappeler que « le temps vaut plus que l’espace », a-t-il déclaré, citant Evangelii Gaudium, l’exhortation apostolique de 2013 du pape François que Mgr Fernández aurait rédigée. « Restons donc calmes et pensons à la situation dans son ensemble ». 

Jonathan Liedl est rédacteur en chef du National Catholic Register. Il a travaillé pour des conférences catholiques d’État, a suivi une formation de trois ans au séminaire et a été tuteur dans un centre d’études chrétiennes à l’université. Liedl est titulaire d’une licence en sciences politiques et en études arabes (Univ. de Notre Dame), d’une maîtrise en études catholiques (Univ. de St. Thomas) et termine actuellement une maîtrise en théologie au Séminaire Saint-Paul.

Source : CNA, le 3 janvier 2024

Bénédiction des couples homosexuels : toutes les faussetés de Fiducia supplicans

Bénédiction des couples homosexuels : toutes les faussetés de Fiducia supplicans

De Riccardo Cascioli et Stefano Fontana sur la Nuova Bussola Quotidiana

La doctrine changée tout en affirmant le contraire, falsification de la notion de couple, jeux de mots et formules ambiguës, rejet de la loi naturelle. La Bussola et l’Observatoire Van Thuan proposent une vision concise du document du Vatican qui divise l’Eglise.

La Nuova Bussola Quotidiana et l’Observatoire du Cardinal Van Thuân proposent dans ces lignes une évaluation globale de la Déclaration Fiducia supplicans. Nous avons laissé passer un certain temps depuis sa publication afin de favoriser une réflexion précise et complète. En effet, la Déclaration soulève de nombreuses et graves questions qui doivent être abordées séparément, mais aussi et surtout dans un cadre unifié. Elle semble avoir franchi une étape fatale, un tournant dans la doctrine et la pratique de l’Église, une limite semble avoir été franchie de manière décisive. Certains commentateurs ont parlé de « catastrophe » et de « scandale ». Cela appelle une analyse responsable et complète.

Quelques observations formelles

La déclaration a été publiée le 18 novembre 2023. Elle est signée par le préfet, le cardinal Victor Manuel Fernández et, avec la formule ex audientia, par le pape François. Elle n’a pas été examinée par l’assemblée du Dicastère pour la Doctrine de la Foi, mais seulement, comme l’indique le texte, par la Section doctrinale. La formule d’approbation papale est parmi les plus faibles : elle semble dire seulement que le pape a été informé, ce qui contraste avec la grande pertinence magistérielle d’une Déclaration. Une chose similaire s’était produite avec le Responsum de 2021, qui, comme nous le savons, disait le contraire et envers lequel François n’avait pas caché son impatience. Dans ce cas, au bas du texte, il était seulement dit que le pape avait été informé.

Deux autres aspects formels de la Déclaration sont à noter. Le premier est que la plupart des références magistérielles renvoient à des interventions de François. Il n’y a jamais eu de document aussi limité dans ses références au magistère précédent. Il est dit que la Déclaration est « basée sur la vision pastorale du Pape François », comme s’il s’agissait d’un unicum. Troisièmement, l’argumentation du texte est très faible et son niveau est défiguré par rapport à la structure argumentative, par exemple, de Dominus Jesus (2000), qui était également une Déclaration comme celle-ci, c’est-à-dire un document de haut rang magistériel.  

La thèse centrale de la Déclaration

Fiducia supplicans soutient que la doctrine catholique sur le mariage et la sexualité reste inchangée et que les nouvelles indications qu’elle contient sont uniquement pastorales et, en tant que telles, complètent, sans le nier, le Responsum de 2021, qui se serait limité au seul domaine doctrinal. La nouveauté pastorale consisterait en une révision du sens des bénédictions, prévoyant, outre les bénédictions déjà doctrinalement clarifiées qui ont lieu dans des contextes liturgiques, également des bénédictions dans des contextes non liturgiques que la Déclaration appelle « privés » ou « spontanés ».

Ces arguments n’ont aucun fondement plausible. Si ce n’est pas un laïc qui bénit, comme un père bénissant ses enfants, mais un prêtre, cette bénédiction est déjà liturgique en elle-même, même si elle ne suit pas une formulation préparée par l’autorité compétente. Elle est liturgique en substance, parce qu’elle est donnée par un prêtre et qu’elle implique donc l’Église. Il ne s’agit pas seulement de constater qu’une telle bénédiction purement pastorale et non liturgique n’a jamais été envisagée par l’Église, mais aussi qu’elle n’existe pas et qu’elle n’a pas été envisagée et réglementée parce qu’elle ne peut pas exister.

Il en découle un autre aspect de ce que soutient la Déclaration, à savoir que la bénédiction n’est pas une approbation de la situation de vie du couple béni, mais seulement une invocation à l’aide de Dieu pour qu’il donne au couple la force de développer les aspects positifs de leur relation, tels que l’attention à l’autre et l’aide mutuelle dans les difficultés de la vie. Cette perspective échoue pour deux raisons liées à ce qui a été vu plus haut : la première est que le contexte déjà liturgique, étant donné la présence du prêtre, ne permet pas la bénédiction d’une réalité publique en grave contraste avec la loi de Dieu ; la seconde est que ces éventuels aspects positifs se situent à l’intérieur d’une relation de couple d’exploitation mutuelle violente, même si elle est consentie, qui les défigure : si les deux se font violence, comment peuvent-ils s’aider mutuellement ?

Sur le « couple

La bénédiction est un sacramentel et, en tant que tel, elle exige de la part du bénéficiaire une disposition appropriée par le repentir et la volonté de sortir d’un certain état de vie. Dans ces conditions, la bénédiction peut également être donnée à une personne individuelle en état de péché. Dans ce sens, oui, la bénédiction est une ouverture à la volonté de Dieu et une demande d’aide pour confirmer et renforcer le repentir et la décision de changer de vie. Mais ce n’est pas le cas lorsque la bénédiction est donnée à un couple irrégulier, qu’il soit hétérosexuel ou homosexuel. Dans ce cas, la situation de vie des personnes impliquées est reconnue, confirmée et justifiée. Si les deux sont bénis en tant que couple, on reconnaît qu’il s’agit d’un couple, même s’il ne l’est pas, car il s’agit de deux individus qui s’accordent l’un l’autre pour leurs intérêts particuliers.

Cela s’applique non seulement au couple homosexuel, mais aussi à la cohabitation de fait entre un homme et une femme. La complémentarité ici, contrairement au cas précédent, semble être là, mais ce n’est pas le cas parce que les deux ne répondent pas à une vocation, avec leurs devoirs respectifs indisponibles, mais seulement à leur alliance individuelle. Bénir un couple qui n’est pas un couple, c’est confirmer le faux. De plus, si les deux reçoivent la bénédiction en tant que couple, il est évident qu’ils n’ont pas l’intention de se séparer, puisqu’ils la demandent en tant que couple. Il n’y a pas de repentir ni de volonté de changer de vie et donc les conditions de la bénédiction sont absentes. On peut revenir à dire que ce ne sont pas les aspects violents et contre-nature de leur relation qui sont bénis mais seulement les aspects positifs à partir desquels on peut repartir, mais on a vu plus haut que ces aspects positifs restent déformés par la qualité négative de la relation du couple, ils peuvent être là dans les individus mais pas dans le couple.

Une pastorale qui change de doctrine

Comme nous l’avons vu, Fiducia supplicans confirme la doctrine habituelle sur les bénédictions des couples irréguliers, mais invente ensuite une nouvelle bénédiction qui n’est que pastorale. Cette sphère neutre – c’est-à-dire la bénédiction uniquement pastorale – n’existe pas car, comme nous l’avons vu, toute bénédiction est publique et liturgique par nature, puisqu’elle est donnée par un prêtre. En revanche, si l’on veut maintenir cette indépendance, une bénédiction qui ne tient pas compte des exigences doctrinales est considérée comme possible. La prétendue neutralité de la pastorale, qui ne devrait pas affecter la doctrine, se transforme donc en demande d’une nouvelle doctrine sur elle-même.

La pastorale n’a pas d’indépendance propre ou d’autonomie par rapport à la doctrine, comme le prétendent de nombreux courants théologiques contemporains, car lorsqu’elle affirme cette indépendance, elle le fait en énonçant une doctrine, précisément la doctrine de l’indépendance de la pastorale par rapport à la doctrine. La praxis ne se passe pas de la théorie, ni ne peut être créatrice de théorie : lorsqu’elle exprime cette affirmation, elle le fait théoriquement. La solution pastorale ne peut donc pas rester simplement pastorale, mais comme elle nie la doctrine (malgré les assurances contraires qui, à ce stade, se révèlent instrumentales), elle se comprend comme ne dépendant pas de la doctrine, c’est-à-dire comme capable de changer la doctrine elle-même. Il s’agit là d’un résultat inévitable : les nouvelles bénédictions considérées uniquement comme pastorales sont également doctrinales, à la fois parce qu’elles nient leur propre dimension doctrinale en exprimant une nouvelle doctrine, et parce qu’elles appellent implicitement à sa reformulation. Une nouvelle doctrine y est déjà implicitement contenue. Au contraire, ceux qui les proposent ont déjà en vue la nouvelle doctrine, qu’ils entendent cependant poursuivre par des moyens pastoraux, c’est-à-dire par des moyens indirectement doctrinaux plutôt que directement doctrinaux.  Ce n’est pas nouveau, puisqu’à partir d’Amoris laetitia, nous avons déjà eu d’importantes anticipations de la tendance à faire des exigences pastorales des occasions de transformer les circonstances en exceptions et de pousser ainsi à des processus de renouvellement doctrinal, tout en ne disant pas qu’on les veut, mais plutôt en prétendant que les doctrines précédentes restent confirmées.

Les sophismes astucieux du magistère

Avec les observations que nous venons de voir, nous avons abordé les sophismes astucieux de la Déclaration Fiducia supplicans, qui prétend dire sans dire et qui est donc trompeuse. Le discours devrait cependant être étendu à l’ensemble du pontificat actuel, où les jeux de mots et l’utilisation d’un langage qui n’est pas théologique mais « bavardage social » se sont manifestés en de nombreuses occasions. À cet égard, l’exhortation Amoris laetitia est le texte le plus représentatif, même s’il n’est pas unique. Les questions sans réponse qui véhiculent un message non formulé, les périodes fixées à « oui … mais » qui insinuent des exceptions à la norme, l’ambiguïté de nombreuses expressions (par exemple, « l’Eucharistie n’est pas un prix pour les parfaits, mais un remède généreux et une nourriture pour les faibles »), les phrases qui poussent leurs composantes à l’extrême, faisant violence à la réalité et proposant subrepticement une vision toute faite, les images colorées et hyperboliques (comme les « pierres mortes à jeter aux autres » en ce qui concerne la doctrine) et ainsi de suite.

Essayons de donner quelques exemples en ce qui concerne la Fiducia supplicans. Prenons cette phrase : « Une analyse morale exhaustive ne doit pas être posée comme condition préalable pour la conférer [la bénédiction, ndlr]. Aucune perfection morale préalable ne doit être exigée d’eux ». Lorsqu’un prêtre donne une bénédiction, il ne demande aucune « perfection morale ». La bénédiction est également donnée aux pécheurs. La rhétorique tendancieuse de la Fiducia voudrait faire croire que ne pas accorder de bénédiction aux couples irréguliers reviendrait à exiger une perfection morale, mais il s’agit là d’une distorsion idéologique évidente de la réalité.

Autre exemple : « dans des situations moralement inacceptables d’un point de vue objectif, la charité pastorale exige de ne pas traiter simplement comme des « pécheurs » d’autres personnes dont la culpabilité ou la responsabilité peut être atténuée par divers facteurs qui affectent l’imputabilité subjective ». Ici, comme également dans d’autres contextes d’Amoris laetitia, les choses sont confuses : en interdisant la bénédiction des couples irréguliers, on ne se prononce pas sur la responsabilité subjective des personnes impliquées, mais sur l’opposition objective et publique de cette relation aux « desseins de Dieu inscrits dans la Création et pleinement révélés par le Christ Seigneur ». La phrase est donc sophistique.

Il y a aussi une série d’affirmations centrées sur les attitudes de fermeture et de condamnation, nous invitant à ne pas « perdre la charité pastorale qui doit traverser toutes nos décisions et nos attitudes » et à ne pas « être des juges qui ne font que nier, rejeter, exclure » ; « Dieu ne repousse jamais celui qui s’approche de lui ». Ici aussi, nous sommes en présence de forçages et d’extrêmes rhétoriques. Ne pas bénir les couples irréguliers ne signifie pas les rejeter, mais les accueillir en vérité, ce qui est la première forme de respect qui leur est due.

Un dernier exemple concerne l’utilisation dans un document ecclésial du mot « couple » appliqué à une situation pour laquelle le Magistère précédent n’a jamais utilisé ce mot parce que cette réalité, tant du point de vue naturel que du point de vue révélé, n’est pas un couple. Dans ce cas, la tromperie est certainement grave, car elle contient déjà une évaluation positive de la relation irrégulière qui, en utilisant ce terme, est perçue par le lecteur comme régulière.

Il convient de rappeler que bon nombre des phrases ci-dessus sont directement tirées des discours de François. La Fiducia supplicans était requise par le développement général de son enseignement qui est appliqué ici. Certains résultats perturbateurs de son « nouveau paradigme » y sont concentrés.

L’oubli délibéré du contexte réceptif

Mais la Fiducia supplicans révèle aussi des astuces d’un autre ordre, outre celles liées à l’usage de la langue. D’un point de vue argumentatif, la Déclaration prétend admettre les bénédictions en question tant qu’elles ne se prêtent pas à être assimilées au mariage. Ce raisonnement est trompeur car le fait qu’elles ne puissent pas être assimilées au mariage en raison de leur forme extérieure liturgique ou non liturgique ne résout pas la question de leur validité en soi. La validité intrinsèque d’une chose ne dépend pas d’autre chose, mais seulement de sa nature. Il faut noter que cette erreur d’approche est également commise par les clercs lorsqu’ils traitent de la reconnaissance juridique des unions civiles de facto et homosexuelles dans la sphère civile. François lui-même l’a souligné. Même dans ces cas, on affirme que ces unions peuvent être réglementées légalement tant qu’elles se distinguent du mariage, sans compter qu’elles sont injustes en elles-mêmes et par leur nature même, et qu’elles le restent même si la loi ne les assimile pas au mariage. Le critère « à condition qu’ils ne… » est un raisonnement trompeur car il évite de se prononcer sur la licéité ou non de la chose elle-même.

Un autre aspect trompeur consiste à ignorer délibérément le contexte factuel dans lequel les nouvelles dispositions sont placées. Fiducia supplicans dit que les bénédictions irrégulières ne doivent pas être placées dans un contexte liturgique, alors qu’elles y ont été placées depuis longtemps avec l’acceptation de l’autorité ecclésiastique elle-même, qui dit maintenant le contraire sans tenir compte du fait qu’elle les a déjà acceptées. En mars 2023, donc deux ans après l’interdiction du Responsum, lors de leur visite ad limina, les évêques de Belgique ont informé le pape de la nouvelle liturgie qu’ils avaient préparée pour la bénédiction des couples homosexuels et François, après avoir vérifié qu’ils étaient tous d’accord (ndlr : depuis quand un simple accord d’opinion est-il un indice de vérité ?), leur a dit de continuer. En Allemagne, la bénédiction de couples de même sexe dans l’Église, et pas seulement sous une forme « privée » et « spontanée » comme l’envisage Fiducia supplicans, est désormais une pratique courante, et le Saint-Siège n’a jamais pris de dispositions canoniques à cet égard comme le demandaient certains cardinaux ; en effet, les évêques les plus exposés sur cette ligne ont été nommés pour jouer des rôles importants au Vatican, d’abord au sein du « Conseil des 9 », puis à la tête du Synode sur la synodalité. En même temps, François a écrit des lettres d’encouragement à des associations promouvant les soi-disant droits des LBGT, a approuvé et soutenu le travail du Père James Martin et de Sœur Jeannine Gramick qui luttent pour ces mêmes objectifs. Cependant, Fiducia supplicans est publié comme si tout cela n’existait pas, c’est-à-dire comme s’il n’y avait pas de contexte prêt à l’accueillir et à l’appliquer aux fins qu’il vise (sans le dire).

Le rejet de la loi naturelle

Etant donné que nous nous concentrons sur la Doctrine sociale de l’Eglise, nous avons l’intention de mentionner les aspects négatifs de Fiducia supplicans dans ce domaine. La doctrine politique catholique, dans la continuité et le développement de la philosophie politique classique, a toujours soutenu que le mariage et la famille sont les fondements de la société civile. À l’origine, il n’y a pas des individus sans identité, ou avec une identité égale et sérielle, mais un homme et une femme. Leur appartenance au couple découle de cette unité complémentaire naturelle, indissoluble et ouverte à la vie. Le compagnonnage social ne résulte pas de conventions humaines mais du projet du Créateur. La référence à la loi naturelle est donc incontournable, car elle exprime un ordre naturel finaliste et soustrait la vie politique à l’arbitraire du plus fort. La légitimation de l’autorité politique est fondée sur le droit naturel. La bénédiction des couples irréguliers considère un couple comme étant ce qu’il n’est pas. Elle légitime donc implicitement une égalité substantielle entre le vrai couple décrit ci-dessus et le pseudo-couple irrégulier. Et ce, même en l’absence d’une déclaration explicite et formelle d’égalité, même en présence d’une affirmation contraire à cette égalité : le fait de considérer comme un couple deux individus qui ne le sont pas est plus fort que toute autre affirmation exonératoire. Il semble donc évident que Fiducia supplicans porte également un préjudice considérable à la Doctrine sociale de l’Église.

La division dans l’Église

Les effets immédiats, et plus encore à long terme si des faits radicalement nouveaux n’interviennent pas, de cette Déclaration divisent fortement l’Église, qui est divisée. Le soulèvement de conférences épiscopales entières le prouve sans conteste. La division ne concerne cependant pas seulement le sujet spécifique, mais bien plus, car elle implique également les deux visions théologiques incompatibles qui conduisent différemment vers le sujet en question. Cette division caractérisera chaque nation, chaque diocèse, chaque paroisse, chaque communauté catholique et même chaque famille. Elle passera des discussions savantes des théologiens à la vie de chaque catholique, avec des effets désastreux.

Source : la Nuova Bussola Quotidiana, le 4 janvier 2024

Bénédictions des couples homosexuels, une fronde inédite

Bénédictions des couples homosexuels, une fronde inédite

La publication d’un texte du Vatican autorisant les prêtres à bénir les couples homosexuels a suscité une vague de critiques, inédite dans l’histoire contemporaine de l’Église catholique. À tel point que plusieurs observateurs estiment que l’unité de l’Église pourrait, à terme, être menacée.

La célébration des fêtes de Noël aura mis entre parenthèses les querelles qui agitent l’Église catholique depuis maintenant plus d’une semaine. Toutefois, la trêve sera probablement de courte durée. En publiant, le 18 décembre, la déclaration Fiducia supplicans autorisant la bénédiction des couples de même sexe – hors cadre liturgique –, le Vatican a provoqué une levée de boucliers dans une partie du monde catholique.

En Europe, l’aile conservatrice de l’Église s’est manifestée bruyamment, malgré le soutien global des conférences épiscopales de l’ouest du continent. Avec à leur tête les évêques polonais et ukrainiens, ainsi que certaines personnalités connues pour leur opposition au pape. La plus importante est sans doute venue du cardinal allemand Gerhard Müller, ancien préfet du dicastère pour la doctrine de la foi – ce même dicastère qui a publié Fiducia supplicans –, et l’un des participants au Synode sur l’avenir de l’Église en octobre à Rome. « Bénir une réalité contraire à la création est non seulement impossible, c’est un blasphème », a dénoncé le cardinal Müller trois jours après la publication du texte. Pour le cardinal allemand, un prêtre qui bénirait un couple homosexuel commettrait « un sacrilège ».

Désaveu des Églises africaines

Mais c’est en Afrique que les réactions ont été les plus virulentes. Les unes après les autres, les conférences épiscopales ont interdit à leurs prêtres de prononcer de telles bénédictions : Zambie, Malawi, Nigeria, Rwanda, Cameroun, RD-Congo, Ghana… Et d’autres épiscopats ne l’ayant pas interdit, à l’instar de la Côte d’Ivoire, ont demandé au clergé et aux fidèles d’attendre des consignes des autorités ecclésiales locales.

À l’échelle du continent, le cardinal Fridolin Ambongo, membre du Conseil des cardinaux, chargé d’aider le pape dans ses décisions, et président du Symposium des conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar (Sceam), a appelé à ce que l’Église d’Afrique parle d’une même voix après avoir recueilli les opinions de chacun. « L’ambiguïté de cette déclaration sur la bénédiction de “couples” homosexuels – qui se prête à de nombreuses interprétations et manipulations – suscite beaucoup de perplexité parmi les fidèles », a justifié l’archevêque de Kinshasa, fixant pour échéance le 15 janvier.

C’est dans ce contexte que le préfet du dicastère pour la doctrine de la foi, le cardinal Victor Fernandez, principal auteur de la déclaration décriée – qui avait été publiée sans annonce préalable ni conférence de presse –, s’est exprimé dans les médias les 23 et 24 décembre afin de préciser l’esprit du texte. Ce sont les couples qui sont bénis, a-t-il précisé dans les colonnes du média américain The Pillar : « L’union n’est pas bénie, pour les raisons expliquées de manière répétitive par la déclaration à propos de la signification réelle du mariage chrétien et des relations sexuelles. » Mais il exclut « un refus total de cette démarche demandée aux prêtres ».

Le cardinal Fernandez a profité de cette séquence médiatique pour tancer certains épiscopats africains soutenant des législations criminalisant les relations entre personnes de même sexe. « Je comprends parfaitement l’inquiétude des évêques dans certains pays d’Afrique ou d’Asie, où le fait d’être homosexuel peut vous conduire en prison. Il s’agit d’un affront à la dignité humaine qui afflige certainement les évêques et les défie dans leur paternité », a-t-il déclaré non sans ironie.

Une levée de boucliers inédite

Par le passé, certains textes ou orientations ont pu faire réagir les épiscopats nationaux, à l’image de l’encyclique Humanae vitae en 1968 en France et en Belgique. Mais les tensions entre les différentes composantes de l’Église catholique constituent aujourd’hui, pour l’historien et journaliste Christophe Dickès, une « crise majeure »« Dans l’histoire contemporaine de l’Église, c’est la première fois qu’un continent entier refuse explicitement d’appliquer un texte venant du pape, retrace-t-il. Il y a pu avoir de la colère, des contre-feux médiatiques, mais pas avec autant d’ampleur. »

Pour le prêtre et théologien canadien Gilles Routhier, l’opposition de nombreux épiscopats questionne effectivement l’unité de l’Église, tiraillée entre un Occident favorable à ces avancées, une Afrique résolument opposée et des continents asiatique et américain jusque-là silencieux et non unifiés sur ces enjeux. « Le risque est effectivement celui d’aller vers une Église à plusieurs vitesses, explique-t-il, et dans laquelle l’autorité du pape se trouverait affaiblie par une contestation bruyante depuis quatre ou cinq ans, voire depuis la publication de l’encyclique Amoris laetitia » sur le couple et la famille, en 2016.

« Pour maintenir la communion, le dialogue est capital, poursuit le théologien. Par le passé, on a pu trouver des compromis sur des sujets se rapportant à la doctrine du mariage, comme l’ordination diaconale d’hommes mariés. Mais les pères de Vatican II ont décidé de l’autoriser sans l’imposer et les conférences épiscopales ont chacune avancé à leur vitesse. Il ne faut pas imposer à toutes les cultures le point de vue occidental, et vice versa. »

Vers des pratiques différenciées ?

Peut-on alors imaginer que l’idée que chaque pays puisse avancer à son propre rythme était présente dans l’esprit du pape avec la déclaration Fiducia supplicans ? La forme du texte, non normatif, pourrait le laisser penser. « Il est difficile de l’affirmer mais une chose est sûre : François, comme Jean-Paul II avant lui, sent qu’on ne peut plus gouverner une Église-monde de la même manière qu’un pape gouvernait une Église européenne, analyse Gilles Routhier. À partir de ce constat, on doit entrevoir la possibilité d’avoir des pratiques différenciées dans la communion, comme c’est déjà le cas avec les Église orientales. »

Pour le théologien, cette solution pourrait éviter à l’Église catholique l’écueil de la division, auquel est confrontée la Communion anglicane depuis près de vingt ans. En début d’année, plusieurs primats anglicans africains ont rejeté la primature de l’archevêque de Canterbury car celui-ci avait autorisé une bénédiction des couples de même sexe.

Source : La Croix, le 26 décembre 2023, via BELGICATHO

«Fiducia supplicans, un pas en avant», estime l’archevêque de Chicago

Le cardinal Blase Joseph Cupich, archevêque de Chicago, en compagnie du Pape François. (Vatican Media)

«Fiducia supplicans, un pas en avant», estime l’archevêque de Chicago

Le cardinal Blase Cupich salue la publication de la récente déclaration du dicastère pour la Doctrine de la Foi intitulée « Fiducia supplicans ». Un document qui revient sur «le sens pastoral des bénédictions» des personnes en situation irrégulière , – y compris les couples de même sexe. En dehors cependant de toute ritualisation et imitation du mariage.

Vatican News 

Soulignant que l’Église requiert une approche pastorale à l’égard des personnes en situation irrégulière – mais aussi pour les couples de même sexe -, le cardinal Blase Cupich fait savoir que l’archidiocèse de Chicago accueille favorablement la déclaration Fiducia supplicans«qui aidera beaucoup plus de membres de notre communauté à ressentir la proximité et la compassion de Dieu».

Donner la bénédiction à des personnes en situation irrégulière 

Publiée lundi 18 décembre par le dicastère pour la Doctrine de la foi, le document «sur le sens pastorale des bénédictions» établit une distinction entre les différents types de bénédictions et indique les circonstances dans lesquelles les ministres ordonnés peuvent donner des bénédictions à des personnes en situation irrégulière, y compris dans le cas de relations homosexuelles.

Une approche pastorale

Au cœur de la déclaration, explique le cardinal Cupich dans un communiqué publié sur le site de l’archidiocèse, «se trouve un appel aux pasteurs à adopter une approche pastorale, afin d’être disponibles pour les personnes» qui reconnaissent le besoin de l’aide et de la présence de Dieu dans leur vie, sans pour autant revendiquer une légitimation de leur statut particulier. La publication de ce document «est un pas en avant», estime le cardinal, ajoutant qu’il est conforme à la fois au «désir du Pape François d’accompagner pastoralement les personnes», et au «désir de Jésus d’être présent pour toutes les personnes qui ont besoin de grâce et de soutien».

Le cardinal Cupich note que la document maintient l’enseignement traditionnel de l’Église sur le mariage, ce qui correspond aux déclarations antérieures du Pape François, indiquant qu’il n’est pas approprié pour les autorités ecclésiales «d’établir constamment et officiellement des procédures ou des rituels» pour quelque situation que ce soit.

Des précisions mentionnées dans le document 

L’archevêque de Chicago souligne également l’insistance du dicastère sur le fait que, les bénédictions des personnes en situation irrégulière ne doivent jamais être données pendant ou en relation avec les cérémonies d’une union civile, ni avec des paroles ou des actions propres à un mariage, et que cela s’applique aussi bien aux personnes en situation irrégulière, qu’à ceux qui entretiennent des relations homosexuelles.

Par conséquent, dit-il, une telle bénédiction devrait avoir lieu dans d’autres contextes, étant entendu qu’en donnant une bénédiction dans ces circonstances, «il n’y a aucune intention de légitimer quoi que ce soit, mais plutôt d’ouvrir sa vie à Dieu, de demander son aide pour mieux vivre, et aussi d’invoquer l’Esprit Saint pour que les valeurs de l’Évangile puissent être vécues avec une plus grande fidélité».

Source : VATICANNEWS, le 21 décembre 2023

Une déclaration doctrinale ouvre la bénédiction à des couples irréguliers

Siège du dicastère pour la Doctrine de la foi.

Une déclaration doctrinale ouvre la bénédiction à des couples irréguliers

« Fiducia supplicans » du dicastère pour la Doctrine de la foi, approuvée par le Pape, offre la possibilité de bénir les couples formés par des personnes de même sexe, en dehors cependant de toute ritualisation et imitation du mariage. La doctrine sur le mariage ne change pas et la bénédiction ne signifie pas l’approbation de l’union.

Vatican News

Face à la demande de bénédiction de deux personnes, même si leur condition de couple est «irrégulière», il sera possible au ministre ordonné d’y consentir. Mais sans que ce geste de proximité pastorale ne contienne des éléments s’apparentant de près ou de loin à un rite de mariage. C’est ce qu’affirme la déclaration « Fiducia supplicans » sur le sens pastoral des bénédictions, publiée par le dicastère pour la Doctrine de la foi et approuvée par le Pape. Un document qui approfondit le thème de la bénédiction, en distinguant les bénédictions rituelles et liturgiques des bénédictions spontanées, qui s’apparentent davantage à des gestes de dévotion populaire: c’est précisément dans cette deuxième catégorie qu’est envisagée dorénavant la possibilité d’accueillir également les couples qui ne vivent pas selon les normes de la doctrine morale chrétienne, mais qui demandent humblement à être bénis. Cela fait 23 ans que l’ancien Saint-Office n’avait plus publié de déclaration (la dernière datant de 2000, « Dominus Jesus »), un document d’une grande valeur doctrinale.

La signification pastorale des bénédictions

« Fiducia supplicans » débute par une introduction du préfet, le cardinal Victor Fernandez, qui explique que la déclaration approfondit la «signification pastorale des bénédictions», permettant «d’en élargir et d’en enrichir la compréhension classique» à travers une réflexion théologique «fondée sur la vision pastorale du Pape François». Une réflexion qui «implique un réel développement par rapport à ce qui a été dit sur les bénédictions» jusqu’à présent, venant à inclure la possibilité «de bénir les couples en situation irrégulière et les couples de même sexe, sans valider officiellement leur statut ni modifier en quoi que ce soit l’enseignement pérenne de l’Église sur le mariage».

Après les premiers paragraphes, qui rappellent un précédent document de 2021, aujourd’hui approfondi et dépassé, la déclaration présente la bénédiction dans le sacrement du mariage en déclarant «inadmissibles les rites et les prières qui pourraient créer une confusion entre ce qui est constitutif du mariage» et «ce qui le contredit», afin d’éviter de reconnaître de quelque manière que ce soit «comme mariage ce qui n’en est pas un». Elle rappelle que, selon la «doctrine catholique pérenne»,seules les relations sexuelles dans le cadre du mariage entre un homme et une femme sont considérées comme licites.

Un deuxième chapitre détaillé du document analyse la signification des différentes bénédictions, qui ont pour destination des personnes, des objets de dévotion, des lieux de vie. Il rappelle que «d’un point de vue strictement liturgique», la bénédiction exige que ce qui est béni «soit conforme à la volonté de Dieu exprimée dans les enseignements de l’Église». Lorsque, par un rite liturgique spécifique, «une bénédiction est invoquée sur certaines relations humaines», il est nécessaire que «ce qui est béni puisse correspondre aux desseins de Dieu inscrits dans la Création». En conséquence, l’Église n’a pas le pouvoir de conférer une bénédiction liturgique aux couples irréguliers ou de même sexe. Mais il faut éviter le risque de réduire le sens des bénédictions à ce seul point de vue, en prétendant pour une simple bénédiction «les mêmes conditions morales que celles qui sont exigées pour la réception des sacrements».

Des actes de dévotion

Après avoir analysé les bénédictions dans l’Écriture, la déclaration propose une compréhension théologico-pastorale. Le demandeur d’une bénédiction «montre qu’il a besoin de la présence salvifique de Dieu dans son histoire», parce qu’il exprime «d’une demande d’aide adressée à Dieu, d’une prière pour pouvoir vivre mieux». Cette demande doit être accueillie et valorisée «en dehors d’un cadre liturgique», quand on se trouve «dans un domaine de plus grande spontanéité et liberté». Dans la perspective de la piété populaire, «les bénédictions doivent être évaluées comme des actes de dévotion». Pour les conférer, il n’est donc pas nécessaire d’exiger une «perfection morale préalable».

Cette distinction approfondie, sur la base de la réponse du Pape François aux dubia des cardinaux publiés en octobre dernier qui invitait au discernement sur la possibilité de «formes de bénédiction, demandées par une ou plusieurs personnes, qui ne véhiculent pas une conception erronée du mariage», le document affirme que ce type de bénédictions «sont offertes à tous, sans rien demander», afin de «faire sentir à ces personnes qu’elles restent bénies malgré leurs graves erreurs», et «que le Père céleste continue à vouloir leur bien et à espérer qu’elles s’ouvrent finalement au bien».

Il existe «de nombreuses occasions où les personnes viennent spontanément demander une bénédiction, que ce soit lors de pèlerinages, dans des sanctuaires, ou même dans la rue lorsqu’elles rencontrent un prêtre», et de telles bénédictions «s’adressent à tous, personne ne doit en être exclu». Par conséquent, tout en s’interdisant d’activer des «procédures ou des règles» dans ces circonstances, le ministre ordonné peut s’associer à la prière des personnes qui, «bien que vivant une union qui ne peut en aucun cas être comparée au mariage, désirent se confier au Seigneur et à sa miséricorde, invoquer son aide et être guidées vers une plus grande compréhension de son dessein d’amour et de vérité».

Recevoir l’aide de Dieu

Le troisième chapitre de la Déclaration ouvre donc à la possibilité de ces bénédictions, qui représentent un geste envers ceux qui se reconnaissant indigents et ayant besoin de son aide, ne revendiquent pas la légitimité de leur propre statut, mais demandent que tout ce qui est vrai, bon et humainement valable dans leur vie et dans leurs relations soit investi, guéri et élevé par la présence de l’Esprit Saint». De telles bénédictions ne doivent pas être standardisées, mais confiées au «discernement pratique face à une situation particulière». Si c’est bien que le couple qui est béni, et non l’union, la déclaration inclut dans ce qui est béni les relations légitimes entre les deux personnes: dans la «courte prière qui peut précéder cette bénédiction spontanée, le ministre ordonné pourrait demander pour eux la paix, la santé, un esprit de patience, de dialogue et d’entraide, mais aussi la lumière et la force de Dieu pour pouvoir accomplir pleinement sa volonté». Il est également précisé que pour éviter «toute forme de confusion et de scandale», lorsqu’un couple irrégulier ou de même sexe demande une bénédiction, celle-ci «ne sera jamais accomplie en même temps que les rites civils d’union, ni même en relation avec eux. Ni non plus avec des vêtements, des gestes ou des paroles propres au mariage». Ce type de bénédiction «peut en revanche trouver sa place dans d’autres contextes, comme la visite d’un sanctuaire, la rencontre avec un prêtre, une prière récitée en groupe ou lors d’un pèlerinage».

Enfin, le quatrième chapitre rappelle que «même lorsque la relation avec Dieu est obscurcie par le péché, il est toujours possible de demander une bénédiction, en lui tendant la main» et la désirer «peut être le bien possible dans certaines situations».

Source : VATICANNEWS, le 18 décembre 2023

La CES sur la bénédiction des couples de même sexe

La CES sur la bénédiction des couples de même sexe

Le 18 décembre 2023, le Dicastère pour la Doctrine de la foi a publié la déclaration « Fiducia supplicans » sur le sens pastoral des bénédictions. Pour la première fois, la bénédiction des couples de même sexe y est explicitement autorisée. On y précise que l’Église a élargi et enrichi sa compréhension des bénédictions. Les idéaux pastoraux du pape François ont notamment été déterminants.

Cette décision correspond au souhait des évêques suisses d’une Eglise ouverte qui prend au sérieux, respecte et accompagne les personnes dans différentes situations relationnelles.

Les évêques soulignent que la bénédiction est un don de Dieu qui revient à tous ceux et celles qui la demandent. Le désir de bénédiction montre que les personnes concernées souhaitent entrer dans la relation salvatrice avec Dieu. En faisant le pas de rendre possible la bénédiction des couples dans des situations relationnelles diverses, l’Eglise reconnaît ce désir pour tous.

La déclaration « Fiducia supplicans » témoigne que l’Eglise offre une place à tous les êtres humains. Les évêques sont conscients qu’une telle Eglise présuppose l’accueil et le respect mutuel. Les discussions sous l’égide de l’Esprit Saint qui ont eu lieu cette année dans le cadre du synode sur la synodalité ouvrent un horizon à ce sujet. Avec la déclaration qui vient de paraître, l’Eglise témoigne qu’elle perçoit et prend au sérieux les préoccupations synodales et qu’elle assume de manière conséquente sa mission d’accompagnement pastoral de tout être humain, en continuité avec l’exhortation apostolique « Amoris laetitia ».

Source : Conférence des évêques suisses, le 19 décembre 2023