08.12.2023 – HOMÉLIE POUR L’IMMACULÉE CONCEPTION

8 décembre 2023 – Solennité de l’Immaculée Conception

Gen 3,9…20; Eph 1, 3…12; Luc 1, 26-38 

H O M É L I E

Les lectures de ce matin sont d’une richesse extraordinaire. Elles nous présentent une fresque grandiose de l’Histoire du Salut depuis le moment de la création jusqu’à la plénitude des temps. Et même la lettre aux Éphésiens nous fait remonter plus haut encore, avant même la création du monde, au moment où nous avons tous été choisis dans le Christ pour que nous soyons, dans l’amour ses fils et ses filles, saints et irréprochables devant lui.

Au début de la création, il y a un homme et une femme, Adam et Ève, créés à l’image de Dieu, qui malheureusement compromettent gravement cette image en eux. Lorsque les temps sont accomplis, il y a encore une femme et un homme, Marie et Jésus, qui restaurent cette image pour toute l’humanité. Et nous savons par le récit grandiose de l’Apocalypse qu’à la fin des temps, dans la Jérusalem céleste, il y aura de nouveau une femme et son fils, la femme couronnée de douze étoiles et son fils qui règnera sur le trône de gloire pour toujours.

Dans le récit de la Genèse et celui de l’Évangile d’aujourd’hui, les parallèles et les contrastes sont frappants. Dans le premier cas il y a le serpent qui trompe ; dans le second il y a l’ange de Dieu qui apporte le message de salut. Dans le premier cas il y a la malédiction, dans le second la bénédiction. Dans le premier cas il y a la peur et l’autojustification ; dans le second il y a la confiance et l’abandon.

Toute cette histoire est une hymne à la grandeur de l’humanité telle qu’elle est jaillie des mains de Dieu. Il avait créé l’homme et la femme pour être ses enfants. La beauté de leur être créé consistait en leur fragilité. Ils ne sont pas des dieux, ils sont des êtres créés, limités, et donc vulnérables devant les forces du mal et du néant. Dès le début de leur existence tout semble compromis. Ils semblent perdre la bataille. Mais Ève, la vivante et la mère de tous les vivants sera fidèle à son nom et ne laissera pas les forces de la mort vaincre la vie dont elle est dépositaire.

Dieu a mis une inimitié entre la femme et les forces de la mort représentées par le serpent. La vie sera finalement plus forte que la mort et après une longue évolution et une longue attente, la Vie connaîtra la victoire totale et définitive sur la mort en une autre femme, une autre Ève, une toute jeune fille nommé Marie, qui devient la Mère de Celui qui est la Vie même. Finalement apparaît, la femme qui est totalement fidèle à son nom, celle en qui la Vie a totalement vaincu les forces du serpent, la pleinement vivante, la mère de la Vie et de tous les vivants. C’est cette victoire de la Vie en elle, dès le premier instant de son existence, que nous célébrons aujourd’hui. Ainsi l’hostilité entre le serpent et la femme, établie par le créateur, s’est soldée par la victoire totale de la Femme.

Le récit de la Genèse est une représentation symbolique de la lutte de tous les jours en chacun de nos coeurs entre le bien et le mal, entre la vie qui ne cesse de vouloir croître en plénitude et la mort qui nous rappelle vers le néant — entre le serpent qui a fait en nous un nid dont il ne veut pas se laisser déloger, et l’Esprit de Dieu qui veut nous couvrir de son ombre et faire naître en nous la vraie vie. Il y a en chacun de nous Adam, qui se laisse bêtement entraîner vers la transgression et qui, tout penaud, dit : « je me suis caché parce que j’étais nu». Il y a aussi en chacun de nous Ève qui s’est, bien sûr, laissée tromper, et qui a même entraîné Adam dans son erreur, mais qui maintiendra vivante l’inimitié entre elle et le serpent jusqu’à ce qu’elle lui écrase la tête.

Cette victoire n’est pas seulement la sienne ; elle est celle de toute l’humanité. Elle est la nôtre. Aussi, dès le moment que cette victoire de la Vie sur les forces du mal a été confirmée par la disposition de Marie à laisser la Vie la pénétrer, l’oeuvre de notre rédemption peut commencer et déjà Luc, dans son récit, fait apparaître la naissance du Précurseur.

Le récit de Luc se termine par les mots. « Alors l’ange la quitta. » Marie reste seule avec son secret. Elle le portera neuf mois. Bientôt elle nous partagera ce secret ; c’est ce que nous célébrerons à Noël.

Dom Armand Veilleux, abbé de Scourmont de 1998 à 2017

Source : Abbaye Notre-Dame de Scourmont, le 7 décembre 2023

HOMÉLIE POUR LA FÊTE DE LA VISITATION DE MARIE (31 MAI 2022)

HOMÉLIE POUR LA LA FÊTE DE LA VISITATION DE MARIE (31 MAI 2022)

31 mai 2022 — Visitation de Marie

So 3, 14-18; Rom 12, 9-16; Luc 1, 39-56

H O M É L I E 

          Dans les deux premiers chapitres de son Évangile Luc nous introduit à tous les grands thèmes de son Évangile.  Il manifeste sa connaissance profonde de l’Ancien Testament, y puisant un très grand nombre d’images qui lui servent dans ses récits hautement symboliques. 

          La Visite de Marie à sa cousine Élizabeth est décrite avec toute l’imagerie du transport de l’Arche d’Alliance décrite au chapitre 6 du 2èmeLivre de Samuel. Marie est présentée comme la nouvelle Arche d’Alliance, où réside le Seigneur des Seigneurs; et, tout comme la première Arche avait été transportée à travers les montagnes de Juda jusqu`à la maison de Obed-Edom de Gath, où elle avait été une source de bénédictions, de même Marie traverse à la course les montagnes de Juda, portant en elle le Fils de Dieu et apporte joies et grâces à la maison d’Elizabeth, sa cousine. Et, tout comme David, à cette occasion, avait dansé devant l’Arche, de même Jean-Baptiste se remue de joie dans le sein de sa mère Élizabeth devant Marie, la nouvelle Arche.

          Dans la suite du récit, Luc nous dira que lorsque les temps furent accomplis, Marie mit au monde un fils, le Premier-Né — non pas « son premier-né » comme le disent la plupart des traductions, mais « Le » Premier-Né – le Premier-Né par excellence, c’est-à-dire le Premier-Né du Père éternel, le premier né d’entre les morts, le premier-né d’une multitude de frères.  C’est ce qui permet à saint Paul, dans sa seconde Lettre aux Corinthiens – que nous avions comme deuxième lecture — de dire que le Christ a été ressuscité d’entre les morts comme « prémices » de tous ceux qui se sont endormis, de sorte que de même que la mort est venue par un homme, la résurrection devait aussi venir par un homme.

          Premier-né d’une multitude de frères, le Christ est le premier d’une multitude de ressuscités.  Et quelle est la première personne humaine à être ainsi reçue dans la gloire, sinon sa propre mère, celle qui l’avait porté chez Élizabeth pour y faire tressaillir de joie son propre précurseur, et, se jouant du temps et de la chronologie, avait explosé dans un admirable chant de louange ?

          Ce chant de louange que Luc met dans la bouche de Marie, résume tous les chants de louange de l’Ancienne Alliance et tous ceux que nous sommes appelés à chanter nous aussi, ainsi que tous les chants de louange qui seront proclamés par des voix humaines jusqu’à ce que toute la multitude des ressuscités aient suivi leur premier-né dans la voie de la résurrection.

Avec Marie, chantons les louanges de Celui qui, plein de tendresse, comme un père ou une mère, se penche sur son petit enfant. Faisons-nous petits et chantons les louanges de Celui qui honore les petits et les humbles et rejette les orgueilleux. Faisons-nous pauvres, de cœur et en vérité, et cultivons notre soif de Lui, et chantons les louanges de Celui qui comble de bien les pauvres et les affamés et renvoie les riches les mains vides. Et, si conscients puissions-nous être de nos péchés, mettons toute notre espérance en Celui qui a promis l’abondance de ses miséricordes non seulement à notre père Abraham, mais aussi à toute sa postérité, dont nous sommes, par la foi.

Par Dom Armand Veilleux

Source: Scourmont, le 30 mai 2022