Le cardinal Krajewski envoyé par le Pape en Terre Sainte pour Noël

L’enceinte de l’église grecque-orthodoxe Saint-Porphyre de Gaza endommagée par des frappes, le 20 octobre 2023. (ANSA)

Le cardinal Krajewski envoyé par le Pape en Terre Sainte pour Noël

L’aumônier apostolique est arrivé en Terre Sainte pour prier pour la paix en cette période de Noël, en compagnie du patriarche Pizzaballa et de l’Église locale.

Benedetta Capelli – Cité du Vatican

«La paix» est le don que le Pape, surtout en cette période de Noël, a invoqué à plusieurs reprises dans les nombreux appels qu’il a lancés pour mettre fin au conflit entre Israël et le Hamas, mais aussi pour l’Ukraine martyrisée qui souffre depuis près de deux ans. Dans cette troisième guerre mondiale en morceaux, la prière devient action et se transforme en mission à travers le cardinal Konrad Krajewski, que François a envoyé en Terre sainte, «comme un signe concret de sa participation à la souffrance de ceux qui font personnellement l’expérience des conséquences de la guerre», lit-on dans un communiqué du dicastère pour le Service de la charité.

«En effet, le Saint-Père souhaite que ce voyage soit accompagné de prières pour obtenir le don de la paix dans les territoires où résonne encore le bruit des armes». Une paix qui sera invoquée dans une grande prière que l’aumônier apostolique fera avec le patriarche latin de Jérusalem, le cardinal Pierbattista Pizzaballa, et toute l’Église locale, «pour célébrer la naissance de Jésus, Prince de la paix et unique espérance du monde».

Missions de prière, d’aide et de paix

Pour le cardinal Krajewski, ce sera à nouveau un Noël loin de Rome. L’an dernier, il s’était rendu en Ukraine pour apporter à la population des chemises thermiques, données par des milliers de personnes également par le biais d’une souscription en ligne, mais aussi pour livrer des générateurs d’électricité. L’aide matérielle et l’aide spirituelle sont les deux voies sur lesquelles l’aumônier remplit son mandat. Même à Pâques, autre temps fort de l’Église, la proximité du Pape avec la population ukrainienne s’était fait sentir, avec des images touchantes de sa prière devant les charniers de Borodjanka, l’une des zones les plus dévastées par le conflit. En Terre Sainte, le cardinal est arrivé avec une prière dans le cœur, celle-là même que le Pape avait récitée le 8 juin 2014 dans les jardins du Vatican en présence du président israélien Shimon Peres et du président palestinien Mahmoud Abbas. Une prière rappelée dans le communiqué de l’Aumônerie apostolique et toujours d’actualité.

«Seigneur, Dieu de la paix, écoute notre supplication! Donne-nous la paix, enseigne-nous la paix, conduis-nous à la paix. Ouvre nos yeux et nos cœurs et donne-nous le courage de dire: « plus jamais la guerre »; « avec la guerre, tout est détruit ». Donne-nous le courage de faire des gestes concrets pour construire la paix. Et que ces mots soient bannis du cœur de chaque homme: division, haine, guerre! Seigneur, désarme les langues et les mains, renouvelle les cœurs et les esprits, pour que le mot qui nous rassemble soit toujours « frère », et que le style de nos vies devienne: shalom, paix, salam!»

Source : VATICANNEWS, le 22 décembre 2023

« Il y a un leader à Jérusalem », Pizzaballa, un cardinal dans la guerre

GIL COHEN-MAGEN | AFP – le Patriarche latin de Jérusalem Pierbattista Pizzaballa dirige une messe le dimanche de Pâques à l’église du Saint-Sépulcre à Jérusalem le 9 avril 2023

En proposant de se substituer aux enfants israéliens otages du Hamas, le patriarche latin de Jérusalem Pierbattista Pizzaballa a marqué les consciences et pris une nouvelle dimension. Dans un climat de terreur et de haine, le tout nouveau cardinal s’efforce de porter la voie étroite d’une sortie de crise.

« Il y a un leader à Jérusalem ». Le commentaire posté en hébreu sur le réseau X (anciennement twitter) par un journaliste de l’influent quotidien national israélien Haaretz est éloquent. Sous son sobre commentaire se trouve l’article relatant la déclaration du cardinal Pierbattista Pizzaballa, le patriarche latin de Jérusalem, l’homme qui s’est proposé en échange des enfants israéliens retenus en otage par le Hamas dans la bande de Gaza. 

Interpellé lundi dernier par un média lors d’une visioconférence, le jeune cardinal avait en effet répondu spontanément : « Si je suis prêt à un échange ? [Je ferai] n’importe quoi, si cela peut conduire à leur libération et au retour de ces enfants à la maison, sans aucun problème. Ma disponibilité est absolue ». 

En quelques heures, la déclaration du patriarche a fait le tour du monde. « Ce n’était pas une sortie médiatique qu’il avait mûrie ou que son équipe de communication avait préparée », confie Noga Tarnopolsky, une journaliste de nationalité israélienne notamment, qui côtoie le franciscain depuis une douzaine d’années. Elle reconnaît dans cette réponse le caractère « authentique » et « spontané » du cardinal italien. Une autre source vivant à Jérusalem abonde « Ce n’était pas préparé et ce n’était pas feint : ceux qui le connaissent savent bien que si on lui demande de mourir pour sauver tout le monde, alors il se sacrifie dans l’instant. Il n’y a pas l’ombre d’un doute ». 

Son cardinalat est une marque de reconnaissance du Pape pour quelqu’un qui a accepté de faire le boulot que personne ne voulait faire.

À 58 ans, ce franciscain né à Bergame, au nord de l’Italie, se retrouve plongé au cœur d’une actualité tragique depuis que les terroristes du Hamas ont lancé une attaque sanglante le 7 octobre contre Israël. Tout juste créé cardinal par le pape François, il a dû rentrer en catastrophe à Jérusalem où il a trouvé « un pays effrayé », a-t-il raconté aux médias du Vatican. Sur les épaules de cet homme rigoureux et travailleur repose aujourd’hui la voix du Saint-Siège dans une crise d’une ampleur inédite depuis la guerre du Kippour, en 1973. À la question de savoir si le pape enverrait un émissaire en Terre Sainte comme il a pu le faire récemment pour l’Ukraine, un responsable de la Curie romaine répond d’emblée : « Il y a déjà le cardinal Pizzaballa ». 

Il faut dire que l’homme qui a la confiance du Pape connaît parfaitement cette terre et sa complexité. Ce professeur d’hébreu biblique a été à la tête de la Custodie de Terre Sainte de 2004 à 2016. Puis le pape François lui a confié les rênes du patriarcat latin de Jérusalem, une institution alors en pleine déroute financière. « Son cardinalat est une marque de reconnaissance du Pape pour quelqu’un qui a accepté de faire le boulot que personne ne voulait faire », estime une source romaine, qui souligne les qualités de bon gestionnaire de l’Italien. 

Une parole singulière et délicate

Dans le drame qui se joue actuellement en Terre Sainte, Pierbattista Pizzaballa fait désormais face à des enjeux diplomatiques où il est question de vie et de mort. Sur cette terre où la haine entre Israéliens et Palestiniens atteint son paroxysme et les pulsions de vengeances des sommets, la moindre prise de parole du patriarche est susceptible de déclencher une avalanche de condamnations. Ainsi, des déclarations des patriarches et chefs des Églises chrétiennes de Jérusalem – signées notamment par le cardinal – ont provoqué l’ire de responsables israéliens, ces derniers accusant les chrétiens de ne pas nommer clairement les responsables de ce désastre. 

« La réalité de la chrétienté en Terre Sainte est si petite qu’elle ne peut apparaître désunie », explique un bon connaisseur de la région, qui relève que ces chefs d’Église sont surtout des responsables arabes poussés par la douleur de leur peuple. Soucieux de préserver cet œcuménisme fragile, le cardinal Pizzaballa est poussé à mettre de l’eau dans son vin. Ce qui ne l’empêche pas d’afficher personnellement son malaise, déclarant par exemple à la presse qui l’interrogeait sur l’irritation des Israéliens face à la teneur des communiqués des responsables chrétiens: « Moi aussi, je suis irrité. Par respect pour les autres Églises, je ne veux rien ajouter ». Et d’assurer ensuite : « Pour être clair, le Hamas a commis des actes de barbarie en Israël ».

Cette communauté de Gaza, le cardinal Pizzaballa la porte tout spécialement dans son cœur.

Voix du Saint-Siège en Terre-Sainte, le cardinal Pizzaballa doit jouer les diplomates avec Israël, alors que les soldats de Tsahal pourraient envahir la bande de Gaza bombardée depuis des jours. Le patriarche, qui parle parfaitement hébreu, dispose d’une marge de manœuvre étroite. Le choc provoqué par l’attaque du Hamas a exacerbé le désir de vengeance et le nombre d’interlocuteurs capables d’entendre le message du Saint-Siège est limité. « Aujourd’hui il y a un grand vide au niveau des dirigeants. Pizzaballa est une des rares personnes à incarner ce que signifie vraiment ‘être responsable d’un peuple’ », constate Noga Tarnopolsky.

L’amour du patriarche pour les chrétiens de Gaza

La journaliste relève que son cardinalat « qui aurait dû être fêté par la communauté chrétienne » débute par « une tragédie ». Celui qui a revêtu la pourpre cardinalice le 30 septembre, ce rouge symbole du sang des martyrs, porte aujourd’hui le sang de milliers de civils tués ces derniers jours. 

À Gaza, où se trouvent quelques centaines de chrétiens, au moins 16 d’entre eux sont morts jeudi soir dans l’effondrement d’un bâtiment dans l’enceinte de l’église orthodoxe grecque. Les chrétiens gazaouis n’ont pour la plupart pas suivi les ordres de l’armée israélienne de se réfugier au sud de l’enclave de 42 kilomètres sur 12 et dans laquelle vivent plus de 2 millions de Palestiniens. Cette communauté de Gaza, le cardinal Pizzaballa la porte tout spécialement dans son cœur, lui qui y vient d’ordinaire chaque année avant Noëlpour une visite pastorale. Le proche du patriarche confie : « Je l’ai déjà entendu dire que c’était sa communauté préférée : la plus petite, la plus pauvre mais celle qui ne se plaint jamais ».

Source : ALETEIA, le 23 octobre 2023