
Pourquoi l’Église plaide-t-elle pour l’annulation de la dette ?
Lors de son message Urbi et Orbi le jour de Pâques, le Pape François a de nouveau plaidé pour une annulation de la dette des pays les plus pauvres, alors que la pandémie de coronavirus pourrait aggraver encore plus leurs systèmes économiques et sociaux déjà fragiles. Une idée reprise par de nombreux leaders politiques, du G20 en particulier, qui a décidé d’un moratoire d’un an. Un idée portée depuis longtemps par l’Église catholique.
Entretien réalisé par Olivier Bonnel – Cité du Vatican
C’est un petit pas pour de nombreux pays, mais sera-t-il un pas de géant pour l’humanité ? Mercredi 15 avril, les ministres des finances des pays du G20 ont décidé un moratoire d’un an de la dette des pays les plus pauvres. 77 d’entre eux sont concernés, parmi lesquels 40 pays africains.
L’annulation de la dette des pays les plus pauvres est depuis longtemps inscrite dans le discours de l’Église et des papes. Déjà en 1967, dans son encyclique Populorum Progressio, Paul VI abordait la question en évoquant le développement des peuples. Le Pape appelait alors à mieux organiser le multilatéralisme, dans un sens vertueux pour chacun. «Ce dialogue entre ceux qui apportent les moyens et ceux qui en bénéficient, expliquait-il, permettra de mesurer les apports non seulement selon la générosité et les disponibilités des uns, mais aussi en fonction des besoins réels et des possibilités d’emploi des autres» (§ 54) Ainsi, «Les pays en voie de développement ne risqueront plus d’être accablés de dettes dont le service absorbe le plus clair de leurs gains.»
À mesure que la doctrine sociale de l’Église se développe, dans un monde de plus en plus interconnecté, l’annulation de la dette va rester un des plaidoyers forts du Saint-Siège, qu’il porte à de multiples reprises, en particulier devant les Nations unies où il a le statut d’observateur.
Un thème de l’année jubilaire en l’an 2000
En 1991, dans son encylique sociale Centesimus annus, (publiée pour le centenaire de Rerum Novarum du Pape Léon XIII), saint Jean-Paul II écrit qu’ «on ne saurait prétendre au paiement des dettes contractées si c’est au prix de sacrifices insupportables» (§ 35). Le Pape polonais rappelait alors la nécessité «de trouver des modalités d’allégement, de report ou même d’extinction de la dette, compatibles avec le droit fondamental des peuples à leur subsistance et à leur progrès»
Saint Jean-Paul II fera de la dette l’un des thèmes de l’année jubilaire de l’an 2000. Il s’appuyait notamment sur la campagne internationale pour l’annulation de la dette des pays du tiers-monde lancée 10 ans plus tôt par le Conseil des Églises d’Afrique.
La pandémie de coronavirus jette aujourd’hui une lumière crue sur la mondialisation et ses déséquilibres. Même si les cas les plus nombreux de contamination semblent toucher les pays les plus industrialisés, la réflexion sur un rééquilibrage des relations économiques et sociales Nord-Sud revient en force. Œuvrer contre la «mondialisation de l’indifférence» dont parle le Pape François passe par là.
Pourquoi cette remise des dettes est-elle importante aux yeux de l’Église? Nous avons posé la question à Mgr Bruno-Marie Duffé, secrétaire du dicastère pour le Service du Développement humain intégral.
Entretien avec le père Duffé, secrétaire du dicastère pour le Service du Développement humain intégral
Source: Vaticannews, le 20.04. 2020