À Marseille, le rêve du Pape pour enraciner la paix en Méditerranée

Basilique Notre-Dame de la Garde à Marseille.

À Marseille, le rêve du Pape pour enraciner la paix en Méditerranée

Le successeur de Pierre se rend dans la cité phocéenne les 22 et 23 septembre pour réaffirmer la paix et la réconciliation dans cette région berceau de l’humanité en crise. Depuis dix ans et son premier voyage à Lampedusa, François regrette que la Mare nostrum se soit transformée en Mare mortuum.

Delphine Allaire – Envoyée spéciale à Marseille, France

Buenos Aires, Naples, Marseille. Les parallèles entre ces métropoles pleines de contrastes sociaux-économiques et cosmopolites sont nombreux. Dans la cité du Vésuve en juin 2019, le Pape avait posé les jalons d’une théologie de la Méditerranée, portée sur le dialogue et la culture de la rencontre. «Quand je pense à la Méditerranée, à Lesbos, à Chypre, à Malte, à Lampedusa, je pense que les terres que cette mer baigne sont précisément celles où Dieu s’est fait homme», assurait le Pape il y a un an, le 18 septembre 2022, au quotidien napolitain Il Mattino.

Après une première venue aux Rencontres méditerranéennes de Bari entre évêques et théologiens, le Pape François a soutenu l’initiative de Florence entre évêques et maires de la Méditerranée sans y être présent. À présent à Marseille, ville du port et du phare, petit laboratoire de la Méditerranée, le Souverain pontife pour que chacun regarde avec lui la Méditerranée. 

Lui qui a déjà sillonné 17 pays de ce pourtour devrait lancer un nouvel appel vibrant pour les migrants morts en mer dans le linceul des flots, délivrer sa feuille de route pour la paix en Méditerranée. Quelle autre ville-message plus pertinente que Marseille, port et porte de l’Orient, mosaïque de nationalités, cité cosmopolite depuis sa fondation il y a 2 600 ans par des Grecs d’Asie mineure, pour accueillir tel événement. Le cardinal Jean-Marc Aveline, natif de Sidi Bel Abbès en Algérie, lui-même symbole de deux rives, a donc su le convaincre de ce détour marseillais, nourrissant ce rêve de faire de la Méditerranée une mer de fraternité et un grand couloir d’humanité.

Source : VATICANNEWS, le 22 septembre 2023

À Marseille, une mosaïque de la Méditerranée pour tisser l’identité et l’altérité

Vue sur la basilique Notre-Dame de la Garde

À Marseille, une mosaïque de la Méditerranée pour tisser l’identité et l’altérité

La semaine des Rencontres méditerranéennes s’est ouverte à Marseille par une procession aux flambeaux et une prière mariale sur la colline de la Garde samedi soir et une messe pour les 70 jeunes de la Méditerranée dimanche soir. Après Bari et Florence, la nouveauté de ce processus méditerranéen marseillais est le tandem formé par les jeunes et les évêques. Un document final sera remis au Pape François samedi 23 septembre au Palais du Pharo et publié par la suite. 

Delphine Allaire – Envoyée spéciale à Marseille

Réfléchir à faire de cette mer fragmentée et blessée une «mosaïque d’espérance», un espace de paix, de réconciliation, et de charité. C’est l’impulsion que va donner Marseille au processus méditerranéen en cours dans l’Église, alors que les drames liés aux flux migratoires, de Briançon à Lampedusa, percutent l’actualité. Cette fois, pour manifester le visage méditerranéen de l’Église, des jeunes rejoindront les évêques de Palerme, Tunis, Alep, Athènes, Chypre, Odessa, Tanger ou Alger, entre autres. 

Accueillis dans des familles marseillaises pour être au plus près de la rencontre et de la fraternité, les 70 étudiants et jeunes professionnels de 25 à 35 ans, dont dix Français, proviennent de 25 pays bordant la Méditerranée, comme la Bosnie-Herzégovine, l’Italie, l’Espagne, la Syrie, le Liban, l’Algérie, ou l’Ukraine, l’espace slave englobant la mer Noire et la mer d’Azov étant parfois oublié du vaste ensemble méditerranéen. Or, «une goutte qui arrive du Dniepr finira un jour à Gibraltar», rappelle souvent le cardinal Jean-Marc Aveline, hôte de ces 3e Rencontres. La première édition avait été inaugurée par le Pape à Bari (février 2020) et poursuivie à Florence (février 2022), où François était absent.

La feuille de route du Pape pour la Méditerranée

«Le Pape ne vient pas à Marseille pour qu’on le regarde lui, mais pour, qu’avec le Pape, l’on regarde la Méditerranée, ses défis, ses ressources, ses moyens», commente le cardinal Aveline, appelant, avant la messe d’ouverture de la session des jeunes dimanche soir, «à prendre la mesure de la complexité des contextes». Un enjeu de taille pour la France, qui a une responsabilité en Méditerranée, estime l’archevêque, soulignant le rôle non négligeable joué par l’Hexagone dans l’histoire en Méditerranée, «parfois pour le meilleur, d’autres fois pour le pire». Pour cela, il ne faudrait pas que la France s’en départît. Marseille et sa population bigarrée d’une centaine de nationalités, ville française dotée du plus grand nombre de consulats, a là un rôle à jouer «de ville-message».

«Par-delà les convictions religieuses différentes, le message de Marseille est que toute identité renferme toujours une part d’altérité. Marseille le sait plus que toute autre. Les identités qui ne veulent jamais voir l’altérité deviennent des identités meurtrières», ajoute le cardinal Aveline citant l’écrivain franco-libanais Amin Maalouf, auteur en 1998 de l’essai remarqué «Les Identités meurtrières».

Réfléchir et témoigner de son histoire

Répartis en une équipe francophone et neuf équipes anglophones, les 70 jeunes vont précisément expérimenter leur identité et leur altérité à travers ces trois jours de rencontres. Partageant leur histoire personnelle, celle de Marseille et de la Méditerranée, l’objectif est de se former sur trois sujets: faire mémoire de son histoire, le dialogue dans toutes les dimensions de la vie associative et les enjeux écologiques et migratoires «pour écouter le cri de détresse poussé par la terre».

À partir de jeudi 21 septembre, les 70 jeunes formeront des binômes de travail avec les évêques pour plancher sur un document final remis samedi matin au Souverain pontife, devant un parterre d’officiels au Pharo -le président de la République française, autorités ecclésiales, politiques, diplomatiques, économiques et civiles. Dans un état d’esprit «ouvert à la surprise», ces équipes mixtes de jeunes et d’évêques exploreront différentes questions, écologiques, économiques, relatives aux conflits, à la liberté religieuse et à la liberté de conscience.

Des visagessur des rives

Priscille Riondel, Marseillaise de 26 ans, qui souhaite poursuivre des études en Italie, espère beaucoup créer du lien et nouer des amitiés cette semaine. «Pouvoir mettre des visages sur d’autres rives de la Méditerranée et dialoguer avec ces jeunes que nous n’aurions jamais rencontrés dans un autre cadre. Je pourrais mieux découvrir ma foi et mon histoire grâce à cela. La densité du programme va nous souder très rapidement ensemble comme une famille», espère-t-elle, impatiente de réaliser des projets avec ces nouvelles connaissances.

La jeune femme, également référente France du Conseil des jeunes pour la Méditerranée fondé cet été par l’épiscopat italien, explique s’être laissée interpeller par la migration depuis sa rencontre cette année avec un migrant de 16 ans à Marseille. Cette expérience fondatrice l’ayant touché au cœur lui fait donc penser «que le Seigneur l’attend là».

La Méditerranée en communion

Une première illustration des altérités méditerranéennes s’est elle vécue lors de la procession aux flambeaux à Notre-Dame de la Garde à laquelle ont participé samedi soir des jeunes issus des quartiers nord de Marseille. Suivie d’une prière mariale, elle clôturait la neuvaine en communion avec neuf sanctuaires du pourtour; tout comme le lendemain, lors de la messe d’ouverture de la session jeunes dans l’église bondée des Chartreux, l’une des plus anciennes de la ville, construite sous Louis XIV. Chants mariaux et Notre-Père en arabe, prières universelles en italien, psaumes en hébreu et en anglais ont résonné devant l’apothéose de Sainte-Marie-Madeleine signée de la main du peintre baroque marseillais Michel Serre (1658 -1733). L’archevêque de Marseille en est convaincu: «La mémoire heureuse d’une convivialité possible peut guérir les mémoires blessées des conflits d’aujourd’hui».

Le cardinal Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille, lors de la messe d'ouverture de la session des jeunes, le 17 septembre 2023 à Marseille.
Le cardinal Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille, lors de la messe d’ouverture de la session des jeunes, le 17 septembre 2023 à Marseille.

Source : VATICANNEWS, le 18 septembre 2023