21.12.2025 – HOMÉLIE DU 4ÈME DIMANCHE DE L’AVENT – MATTHIEU 1, 18-24

Le Dieu des entrailles

Homélie par le Fr. Laurent Mathelot

La semaine passée, nous étions dans un entre-deux, à mi-parcours. Devant nous, la joie du sommet en vue. Une joie en demi-teinte cependant puisque nous nous sommes aussi aperçu que nos propres forces déclinent au fur et à mesure que nous progressons, que toujours nous nous épuisons et que nous n’atteindrons le sommet de la montagne de Dieu que s’il vient lui-même à notre rencontre. Les sommets d’amour et de paix que Dieu promet ne s’atteignent que portés par le Christ.

Et s’il nous arrive parfois, en cette vie, au fil de nos élans d’amour, de goûter à des bonheurs divins, nous peinons à nous y maintenir et, même, des grandes joies de l’existence, il arrive que nous dévissions. C’est la rencontre personnelle avec la présence réelle de Dieu qui nous maintient dans l’espérance et la joie. Seule la certitude d’avoir été touché par un amour divin qui emporte tout exorcise nos peurs ultimes, notamment celle de mourir. C’est ainsi que le Christ nous sauve, en venant nous chercher au fond de notre dénuement et nous emporter par amour.

Dimanche passé, c’est Jean le Baptiste, au plus profond de l’abandon humain, qui a reçu cette certitude d’avoir rencontré la présence incarnée de Dieu, le Christ, « celui qui doit venir nous sauver ». Aujourd’hui, le thème des lectures est Marie enceinte. Une autre approche, directement incarnée, de la présence effective de Dieu parmi les hommes. Il y a ainsi deux manières de trouver Dieu : comme Jean le Baptiste, au tréfonds du dénuement ou, comme Marie, en éprouvant sa vie naissante en nous – précisément, en vivant intimement Noël.

C’est sans doute très audacieux pour un prêtre d’aborder le sujet de la joie d’être enceinte ; c’est au fond aux mères à nous l’expliquer. Mais on ne parle pas ici de la joie humaine d’enfanter – joie qui a d’ailleurs ses hauts et ses bas – on parle de l’immaculée conception qui engendre la présence incarnée de Dieu, de la matrice virginale d’où surgit le divin, de la pureté d’âme nécessaire à la mise au monde d’un amour pur. Le psaume suggère que cet état virginal est accessible à tous : « Qui peut gravir la montagne du Seigneur et se tenir dans le lieu saint ? L’homme au cœur pur, aux mains innocentes, qui ne livre pas son âme aux idoles. » Le cœur pur, les mains innocentes, voilà de terreau où s’incarne l’amour divin.

Ce n’est pas pour nous embêter que l’Église appelle à l’incessante purification de notre cœur, qu’elle nous invite à ces temps d’introspection que sont le carême et l’avent, qu’elle recommande que nous fassions face à nos ténèbres et nos démons intérieurs et que nous les combattions, nous préparons ainsi un terreau pour la vie rayonnante et la paix, un terrain vierge pour que s’implante le bonheur divin.

Dieu vient à nous de deux manières, comme l’amour : en surgissant de la pureté de notre cœur et en venant à notre rencontre par sa présence incarnée. Tous les amoureux le savent, c’est de la coïncidence du surgissement de l’amour en soi et de la rencontre d’autrui amoureux qu’émane la plénitude du bonheur.

Terminer nos méditations de l’avent avec Marie enceinte est la plus belle manière d’évoquer la proximité avec Dieu, d’autant qu’on peut rapprocher une grossesse de la symbolique de la montagne à gravir, avec ses lassitudes et ses épuisements, mais aussi avec le bonheur dans l’effort, qui concrètement s’incarne et nous emporte au-delà de nous-même.

Nous sommes baptisés, nous communions déjà intimement au Corps et à l’Esprit du Christ. Déjà, en nous, ce processus d’incarnation de la présence de Dieu est à l’œuvre. Seules nos ténèbres empêchent encore son surgissement authentique à travers nos vies.

Nous sommes des crèches vivantes déjà, des étables faites de bric et de broc où traînent volontiers quelques bestiaux, des lieux hasardeux où Dieu veut venir au monde. Peut-être sommes-nous comme les bergers, des gens simplement attirés par la beauté divine. Peut-être sommes-nous comme les mages, qui nous approchons lentement du mystère divin, inclinant notre sagesse. Peut-être sommes-nous comme Joseph, devant accepter que la vie divine ne provienne pas de nous-même. Mais je nous souhaite d’être comme Marie, le cœur pur voyant surgir le divin de ses entrailles.

C’est le dernier dimanche de l’avent et nous méditons une telle proximité avec Dieu qu’elle nous donne l’impression, à travers notre vie, d’engendrer la vie divine au monde – ce qui est la définition de la sainteté. Le saint – et Marie, par excellence – est celui duquel surgit l’amour incarné de Dieu.

Ce sentiment d’union charnelle avec le Christ, non pas extérieure mais intérieure, que seule l’analogie avec l’amour d’une mère pour l’enfant qu’elle porte permet d’approcher, nous est accessible à tous. Bien que, contrairement à Marie, il nous demandera un travail de purification personnel.

C’est bientôt Noël où nous allons célébrer la venue au monde de l’amour divin qui veut tout sauver. Nous pouvons le vivre extérieurement, comme Jean le Baptiste qui a espéré toute sa vie la venue du Sauveur. Nous pouvons le vivre intérieurement, intimement, comme Marie qui a vu surgir en elle, la vie divine. Sans doute vivrons-nous quelque chose entre les deux : le désir que Dieu vienne bientôt nous sauver, comme celui que son amour surgisse en nous.

Cet écart entre le Christ intérieur et le Christ extérieur, entre surgissement spirituel de la vie divine et rencontre finale avec le Christ, dénote la part d’ombre qu’il nous reste à franchir. Marie n’a pas cette part d’ombre en elle : l’amour divin qu’elle enfante, qu’elle éprouvera toute sa vie, est aussi celui qui la sauvera. Sa proximité avec Dieu est complète, des entrailles jusqu’à la mort et au-delà.

A tous, je nous souhaite un Noël marial, prodigieusement incarné et sans part d’ombre. Un Noël où nous nous souviendrons que la vie divine a été spirituellement implantée en nous. Un Noël que nous éprouverons non plus simplement comme une rencontre à venir mais comme une grossesse qui fait de notre corps le lieu où Dieu veut aussi vivement surgir.

Quelle plus grande joie y a-t-il que celle d’enfanter du divin ?

Fr. Laurent Mathelot

Source : RÉSURGENCE.BE, le 17 décembre 2025

21.12.2025 – HOMÉLIE DU 4ÈME DIMANCHE DE L’AVENT – MATTHIEU 1, 18-24

Montons à la rencontre de Dieu,
soyons confiants !

Homélie de l’Abbé Jean Compazieu


Textes bibliques : Lire


En ce 4ème dimanche de l’Avent, la liturgie nous propose deux récits de l’Annonciation ; nous avons tout d’abord celui de la 1ère lecture : nous sommes au 4ème siècle avant Jésus Christ ; la situation du peuple d’Israël est vraiment dramatique : il est menacé de partout par les armées étrangères. Face à ce danger, le jeune roi d’Israël n’a pas fait le bon choix. Il a abandonné le vrai Dieu pour se tourner vers les dieux païens et s’attirer leurs faveurs.

Mas ces dieux païens ne sont rien. C’est également vrai pour nous aujourd’hui. Nous pensons à ces dieux qui occupent une grande place dans notre vie et notre monde : ils s’appellent argent, richesses, recherche du profit, de la belle situation… Aujourd’hui, le prophète Isaïe invite le roi Acaz et chacun de nous à se tourner vers le seul vrai Dieu. C’est sur lui qu’il nous faut compter. En ce temps de l’Avent, nous sommes invités à retrouver le vrai sens de Noël. Il ne s’agit pas de courir après toujours plus de consommation mais d’accueillir Celui qui vient nous sauver.

Cette annonce de la venue du Sauveur, nous la retrouvons dans l’Évangile de ce dimanche : c’est le message de l’ange à Joseph ; il est invité à prendre chez lui Marie son épouse : “L’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint”. Ces paroles nous disent la mission que Dieu confie à Joseph : il est appelé à être le gardien de Marie et de Jésus ; le pape François ajoute que cette garde concerne aussi toute l’Église. Saint Joseph est désormais le protecteur mystique de toute l’Église.

Cette garde, joseph l’exerce avec discrétion et humilité, dans le silence. Les Évangiles ne nous rapportent aucune parole de lui. Mais ils témoignent de sa présence constante et de sa fidélité totale, même quand il ne comprend pas. Il accompagne chaque moment avec prévenance et avec amour. Il est auprès de Marie dans les moments sereins et dans les moments difficiles.

Joseph est donc le gardien de Marie, de Jésus et de toute l’Église. Tout cela n’est devenu possible que grâce à sa constante attention à Dieu : il est ouvert à ses signes et disponible à son projet. Joseph est le gardien parce qu’il sait écouter Dieu, il se laisse guider par sa volonté, il est attentif à ce qui l’entoure ; il sait prendre les décisions les plus sages. Comme lui, nous sommes tous appelés à garder le Christ dans notre vie.*

Nous ne pourrons vivre un vrai Noël que si nous prenons chez nous Marie, notre Mère. Avec elle, nous accueillons Jésus qui est venu chercher et sauver ceux qui étaient perdus. C’est dans la prière et le recueillement que nous pourrons, nous aussi, nous ajuster à la volonté de Dieu et participer à son projet. Comme Joseph, nous apprenons à nous faire les serviteurs d’un projet qui nous dépasse. Comme lui, le Seigneur nous conduit sur des chemins que nous n’avions pas prévus. Mais les paroles qu’il nous adresse sont celles de la vie éternelle.

Dans la seconde lecture, saint Paul nous annonce précisément l’accomplissement de ce salut en Jésus. Il nous décrit toute la richesse du mystère déployé depuis sa naissance jusqu’à sa mort et sa résurrection. Lui-même a été choisi par le Christ pour être apôtre : sa mission a été d’annoncer le salut en Jésus Christ au milieu des nations païennes. Comme le prophète Isaïe, il a été affronté à l’incrédulité et à la persécution. Mais rien ni personne ne peut empêcher Dieu de vouloir sauver le monde. La fête de Noël nous rappelle que nous attendons la venue de celui qui unifiera en lui Dieu et l’homme. Ce temps de l’Avent nous est donné pour nous mettre en route vers Celui qui ne cesse de venir à nous.

Beaucoup ne connaissent pas et ne veulent pas entendre parler du vrai sens de Noël, de Jésus, de Marie, de la crèche. Mais le message de l’Évangile doit être annoncé partout dans le monde. Notre mission ‘est pas de faire croire mais de dire et de témoigner. Le Seigneur nous assure que l’Esprit Saint agit dans le cœur ce ceux et celles qu’il met sur notre route. Le cardinal Eyt, ancien archevêque de Bordeaux, disait que “nous ne sommes pas deux mille ans après Jésus Christ mais deux mille ans avec lui”. Aujourd’hui comme autrefois, nous pouvons toujours compter sur lui.

En célébrant cette Eucharistie, nous nous tournons vers celui qui vient à nous. À chaque messe, il rejoint les communautés réunies en son nom. Il est “Emmanuel”, Dieu avec nous. Il est Celui qui nous fait entrer dans l’alliance définitive entre Dieu et l’homme. Et il nous confie cette mission : faire triompher l’amour sur la haine, la tendresse sur l’indifférence. Alors, plus que jamais, nous le prions ensemble : « O Seigneur, envoie ton Esprit qui renouvelle la face de la terre ! » Amen

Abbé Jean Compazieu

Source : DIMANCHE PROCHAIN.ORG, le 14 décembre 2025