Nigeria : face aux persécutions oubliées ici, les prêtres locaux s’arment

Nigeria : face aux persécutions oubliées ici, les prêtres locaux s’arment

Au Nigeria, les prêtres célèbrent la messe un fusil à pompe à la main. Image déroutante qui s’explique par le danger extrême dans lequel vivent les prêtres et les pasteurs nigérians. Et pour cause : cette année encore, alors que la joie est l’apanage des fêtes de Noël et de la nouvelle année, les chrétiens de cet État d’Afrique subsaharienne sont en deuil et pleurent les 200 morts tombés le 23 décembre dernier.

Selon un rapport de l’ONG protestante Open Doors, près de 90 % des chrétiens persécutés dans le monde se trouvent au Nigeria. InterSociety chiffre à quelque 4.500 le nombre de chrétiens tués en 2023 dans le pays, rapporte Le Point. Entre le 1er octobre 2021 et le 30 septembre 2022, pas moins de 4.726 chrétiens y ont été enlevés.

L’islamisme, composante essentielle de la persécution

Les causes sont multiples, explique à BV un prêtre responsable de plusieurs prieurés de missions dans le sud du pays. Tout d’abord, la misère financière pousse au kidnapping dans le but de tirer une rançon à bon prix. Ensuite, le phénomène migratoire du nord vers le sud engendre un conflit ethnique d’une grande violence. Les éleveurs musulmans nomades du nord déferlent sur les terres des chrétiens sédentaires du sud et ravagent leurs cultures. Ce conflit crée des bandes armées ultra-violentes et met en branle les rouages d’un grand banditisme auquel nul n’échappe. Enfin, le djihad entend soumettre toutes les régions du Nigeria. Des groupes de terroristes islamiques – Boko Haram et des membres de l’État islamique – sèment la mort dans le pays.

Les régions les plus persécutées sont au nord. Malgré cela, nous dit ce prieur de mission, « il y a dans cette région de très beaux diocèses, très menacés. Les évêques s’y font plutôt discrets pour ne pas réveiller davantage les velléités des musulmans. »

Traditionnellement, le gouvernement est dirigé par un musulman, ce qui ne favorise pas la protection des chrétiens en danger. Bola Tinubu, le président actuel, est accusé, de surcroît, de corruption. Pour ce prêtre, le Nigeria est aux mains d’« un gouvernement très corrompu. Ces gens-là laissent faire jusqu’à ce que les faits soient trop criants. Le banditisme est de fait assez protégé. »

Silence en Occident

S’il n’y aucune aide à attendre du pays lui-même, les pays occidentauxne semblent pas plus alarmés par la situation désastreuse du Nigeria. Le pape François a exprimé son inquiétude dans une courte prise de parole au Vatican, après le dernier angelus de l’année 2023, avant de détourner rapidement son attention vers les conflits plus médiatiques, les « peuples martyrisés d’Ukraine, de Palestine et d’Israël ». Quant aux pouvoirs politiques, ils restent silencieux.

En juin 2022, après le massacre d’une paroisse chrétienne à Owo, le député européen François-Xavier Bellamy (LR) se révoltait déjà contre l’inaction de l’Europe : « Nous parlons beaucoup ici, mais les chrétiens n’ont droit qu’au silence, un silence qui devrait nous couvrir de honte », lançait-il devant un Parlement presque vide. « L’Europe doit tellement à la foi chrétienne, elle a le devoir de protéger les chrétiens persécutés dans le monde entier », poursuivait-il. En 2023, l’Europe est restée silencieuse.

Les Nations unies, dont le rôle est de faire respecter les droits élémentaires dans toutes les régions habitées du globe, si promptes à intervenir habituellement, n’ont fait paraître qu’un communiqué d’une dizaine de lignes. Volker Türk, haut-commissaire du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, déclare que « le cycle de l’impunité qui alimente les violences récurrentes doit être brisé de toute urgence ». Au sujet des attaques de ce Noël noir, il mentionne des « gunmen », c’est-à-dire des tireurs, omettant de préciser que lesdits tireurs étaient des musulmans et les victimes, des chrétiens. La violence est dénoncée, mais on passe la persécution des chrétiens, une fois de plus, sous silence.

Source : BVVOLTAIRE, le 4 janvier 2024

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