
Lettre de liaison n° 151 (29 juin 2023)
Jacinthe et François, je les emmènerai bientôt.
Le message de Fatima
Après avoir entendu pour la deuxième fois la recommandation de Notre-Dame de réciter le chapelet tous les jours, Lucie lui demanda : « Je voudrais vous demander de nous emmener au Ciel ». Notre-Dame lui répondit : « Oui, Jacinthe et François, je les emmènerai bientôt. Mais toi, tu resteras ici pendant un certain temps. Jésus veut se servir de toi pour me faire connaître et aimer. »
Dans la précédente apparition, Notre-Dame avait révélé aux trois petits voyants qu’ils iraient au Ciel. Ici, elle leur donne une précision supplémentaire : elle leur annonce que François et Jacinthe mourraient bientôt et que Lucie resterait sur la terre « un certain temps ». En effet, Jacinthe et François mourront deux ans plus tard, à l’âge de 9 et 10 ans respectivement. Quant à Lucie, elle mourra 87 ans plus tard, à l’âge de 97 ans. L’exacte réalisation de cette annonce prophétique sur la durée de la vie des petits voyants est une première marque de l’authenticité des apparitions de Fatima. De plus, avoir à l’avance quelques informations sur le moment de notre mort est une très grande grâce.
Cette révélation de Notre-Dame doit nous inciter à réfléchir sérieusement sur notre propre mort, en regardant notamment comment les petits voyants nous ont montré l’exemple.
La mort de Jacinthe
Malgré son jeune âge (elle n’avait pas encore 10 ans lorsqu’elle mourut), Jacinthe envisageait la mort avec une très grande sérénité. Voici les paroles qu’elle échangea avec François peu avant sa mort et que Lucie a rapportées dans son premier mémoire :
Lorsqu’arriva le moment du départ de son petit frère pour le Ciel, elle lui fit ses recommandations :
– Salue en mon nom Notre Seigneur et Notre Dame et dis-Leur que je souffrirai tout ce qu’Ils voudront pour la conversion des pécheurs et la réparation au Cœur Immaculé de Marie.
Par ce petit discours, Jacinthe montre qu’elle acceptait la mort de son frère puisque la Sainte Vierge la lui avait annoncée. Elle eut la même attitude lorsqu’il lui fallut affronter la mort à son tour. Le 21 janvier 1920, elle dut quitter seule Aljustrel pour aller à l’hôpital Doña Stéphanie, à Lisbonne, où elle mourut un mois plus tard, le 20 février. Quelques jours avant de partir à l’hôpital, elle confia à sa cousine ses dernières pensées : elles montrent très bien l’état d’esprit dans lequel elle se préparait à la mort.
Il ne me reste plus beaucoup de temps pour aller au Ciel. Toi, tu resteras ici afin de dire que Dieu veut établir dans le monde la dévotion au Cœur Immaculé de Marie. Le moment venu de le dire, ne te cache pas. Dis à tout le monde que Dieu nous accorde ses grâces par le moyen du Cœur Immaculé de Marie, que c’est à elle qu’il faut les demander, que le Cœur de Jésus veut qu’on vénère avec lui le Cœur Immaculé de Marie, que l’on demande la paix au Cœur Immaculé de Marie, car c’est à elle que Dieu l’a confiée. (…)
Arriva le jour où elle dut partir pour Lisbonne. Son départ fendait le cœur. Elle demeura longtemps les bras autour de mon cou et elle me disait en pleurant :
– Jamais plus nous ne nous reverrons ! Prie pour moi jusqu’à ce que j’aille au ciel. De là, je prierai beaucoup pour toi. Ne révèle jamais le secret à qui que ce soit, même si l’on te tue. Aime beaucoup Jésus et le Cœur Immaculé de Marie, et fais beaucoup de sacrifices pour les pécheurs.
De Lisbonne, elle me fit dire que Notre Dame était déjà venue la voir et qu’Elle lui avait dit l’heure et le jour de sa mort, et elle me recommanda d’être très bonne.
Ces brefs dialogues montrent que Jacinthe, pourtant très jeune, ne craignait pas la mort. D’où tenait-elle la force de l’affronter ainsi courageusement ? Sûrement de son amour pour Notre-Dame et de tout ce qu’elle voulut faire pour Elle et pour la conversion des pécheurs. Nous devons prendre exemple sur Jacinthe et, pour cela, la première chose à faire est d’avoir une juste vision de la mort.
Une juste vision de la mort
C’est une véritable tragédie de faire une mauvaise mort. Même si nous ne comprendrons vraiment la gravité de ce drame que dans l’éternité, il faut dès ici-bas tout faire pour l’éviter. Nous vivons obnubilés par la recherche de gains, de plaisirs ou de succès éphémères, et nous ne nous préoccupons que très peu de l’éternité. Les réalités de la vie, les affaires, la santé, toutes choses matérielles, nous rendent esclaves et nous mettent dans une léthargie spirituelle qui peut être fatale. Ces préoccupations matérielles nous empêchent de penser aux réalités essentielles. Pourtant, la mort est le moment le plus important de notre vie, car elle est la porte de la vie éternelle.
La mort devrait être une de nos principales préoccupations. En effet, c’est l’évènement le plus certain de notre vie et c’est un passage obligé pour aller au Ciel. Mais pour pouvoir y penser sereinement et comme il convient, nous devons commencer par avoir une juste vision de la mort, et en premier lieu être convaincus qu’une bonne mort est un évènement heureux. Dans une homélie au peuple d’Antioche, saint Jean Chrysostome donna l’image suivante pour faire comprendre combien nous ne devons pas craindre la mort :
Si un roi avait préparé pour l’un de ses sujets un appartement dans son palais, et qu’en attendant il lui assignât pour demeure une étable, avec quelle ardeur cet homme ne devrait-il pas soupirer après le jour où, quittant ce réduit, il franchirait le seuil du palais ? Ici-bas, l’âme est dans le corps comme dans une prison ; et à moins d’en sortir, elle ne peut entrer dans le palais du ciel.
Pour les saints, la mort est le début de la vie en Dieu. Saint Paul semble crier de joie lorsqu’il écrit : « Pour moi la mort est un gain ». (Phil. 1, 21). Saint Thomas More, condamné à mort par les hérétiques, voulut revêtir son habit le plus beau et le plus précieux pour le jour de son supplice. Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus disait au moment de mourir : « Je ne meurs pas ; j’entre dans la vie. »
Dans le palais dans lequel il vivait, saint Charles Borromée aperçut un tableau où la mort était représentée sous la forme d’un squelette tenant une faux à la main. Il fit venir le peintre et lui demanda de remplacer la faux par une clef d’or. Il voulait par-là s’exciter toujours d’avantage à désirer la mort. En effet, seule la mort a le privilège de nous ouvrir le Ciel où nous aurons le bonheur de voir Dieu. En raison de la rédemption opérée par Jésus, la mort en état de grâce nous garantit la vie éternelle.
Malheureusement nous ignorons quand, comment et où la mort nous emportera. Nous n’avons aucun moyen d’en connaître à l’avance le jour et l’heure. Certains d’entre nous mourront très jeunes, comme Jacinthe et François. D’autres resteront plus longtemps sur la terre, comme Lucie. Tout au plus, si nous sommes atteints d’une maladie grave avec un pronostic fatal ou si nous sommes très âgés, pouvons-nous augurer une fin proche, mais sans plus. Autrement, nous ne connaissons pas le moment fixé par Dieu pour passer de ce monde dans l’autre. On peut mourir dans le sein maternel ou à cent ans, dans son lit ou en pleine rue. Le soir nous ne sommes pas certains de revoir le soleil du lendemain ; et le matin, nous ne sommes pas non plus certains d’arriver jusqu’au soir. Nous ne sommes certains que d’une chose : nous ne savons ni le jour ni l’heure. La mort « viendra comme un voleur » dit saint Paul (1 Th V, 2). C’est pourquoi Jésus nous avertit : « Soyez prêts ! Parce qu’à l’heure où vous n’y penserez pas le Fils de l’homme viendra » (Lc XII, 40). Aussi est-ce une profonde erreur de ne pas vouloir penser à la mort parce que, soi-disant, cette pensée assombrit la vie. En agissant ainsi, nous ressemblons aux autruches qui mettent leur tête dans le sable pour ne pas voir le danger qui les menace. Si nous voulons que la mort soit l’heureux passage d’ici-bas à l’au-delà, nous devons suivre le conseil de Jésus et nous y préparer.
Être toujours prêt
Mais pour être sûr d’« entrer dans la vie » et ne pas risquer d’être condamné à l’enfer par la justice divine, nous devons être toujours prêts à mourir. Jésus a recommandé à ses disciples de rester éveillés : « Bienheureux ces serviteurs que le Maître trouvera éveillés à son arrivée ! » (Lc 12, 37). Cette préoccupation doit être la première de tout chrétien ; car la mort pouvant venir nous prendre à n’importe quel moment, elle doit nous trouver dans la grâce de Dieu … à n’importe quel moment ! Rappelons-nous les paroles terribles de l’Époux aux vierges folles : « Je ne vous connais pas ». Pensons au contraire à la mort de saint Benoît : quand il sentit venir le moment mourir, le saint patriarche voulut se tenir debout, soutenu par deux moines, les bras levés, comme quelqu’un « qui va à la rencontre de l’Époux ».
Être « éveillé », cela signifie vivre toujours dans la grâce de Dieu, en évitant le péché mortel ou en demandant immédiatement pardon et en se confessant au plus vite si on a eu le malheur de tomber. Saint Jean Bosco demandait à ses jeunes gens de venir le réveiller même en pleine nuit pour se confesser tout de suite quand ils succombaient au péché mortel.
Et pour rester « éveillé », rien ne vaut de penser régulièrement à notre mort. Un jour, une femme croisa le pape Pie XI dans la rue et lui demanda un souvenir personnel. Le pape observa cette femme vêtue d’une manière mondaine. Il se pencha vers le sol, recueillit un peu de poussière et lui fit une petite croix sur le front en disant : « Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière ». Il ne pouvait pas lui donner un souvenir plus personnel !
En effet, le démon sait parfaitement combien il nous est salutaire de penser à la mort. Pour cette raison il nous la fait considérer comme de mauvaise augure, nous gardant occupés uniquement à des choses secondaires. Nous sommes capables de remplir nos journées de toutes sortes d’activités : divertissements, politique, sport, télévision, … Mais nous ne consacrons pas un seul instant à réfléchir à ce qui nous attend dans l’éternité.
Se préparer à la mort
Pour nous aider dans cette salutaire réflexion sur notre mort, il faut prendre quelques bons moyens. Sur ce point, nous ne saurions trop recommander la lecture du livre Préparation à la mort (aussi intitulé La bonne mort) de saint Alphonse de Liguori. Ce livre, duquel nous avons tiré certaines des réflexions qui viennent d’être faites, est une véritable mine d’or et permet en quelques pages de bien comprendre ce qu’est vraiment la mort. Il nous aide à la voir telle que Dieu la voit. Les plus saints d’entre nous arriveront peut-être à aller jusqu’à désirer la mort, comme les grands saints. Mais dans quelque état que nous soyons, nous en tirerons une grande sérénité devant la mort et l’habitude d’y penser régulièrement, gage d’une conduite vraiment chrétienne qui nous vaudra d’être trouvés dans de bonnes dispositions lorsque la mort frappera à notre porte.
Ensuite, pour nous assurer le plus possible d’avoir une bonne mort, nous devons demander l’aide des saints. En premier lieu, nous devons demander cette grâce à la Sainte Vierge, grâce si importante que l’Église nous la fait demander dans chaque « Je vous salue Marie« : « Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous, maintenant et à l’heure de la mort ».Ainsi, de nombreux saints ont recommandé la dévotion à la Sainte Vierge pour se bien préparer à la mort. Sainte Marie Madeleine Sophie Barat disait : « La mort d’un vrai dévot de Marie est le bond d’un enfant dans les bras de sa Mère ».Saint Bonaventure a écrit : « Mourir en invoquant pieusement Marie, c’est le signe du salut ».
Quelques jours après sa mort, saint Dominique Savio apparut à saint Jean Bosco ; celui-ci lui demanda :
— Dis-moi, Dominique : qu’est-ce qui t’a le plus consolé au moment de ta mort ? — Don Bosco, devinez vous-même ! — Peut-être le souvenir d’une pureté conservée ? — Non. — Peut-être le souvenir des pénitences que tu as faites ? — Même pas cela. — Alors ce sera la conscience d’être pur de tout péché ? — Cela m’a rendu heureux, mais ce qui m’a le plus consolé au moment de ma mort, ce fut de penser que j’avais aimé la Sainte Vierge ! … Dites-le à vos jeunes gens et recommandez-leur avec insistance d’aimer la Sainte Vierge.
À Fatima, parlant de la dévotion à son Cœur Immaculé, la Sainte Vierge confia à Lucie : « À qui embrassera cette dévotion je promets le salut. » Cette phrase est sans doute aussi une des raisons qui ont fait que Jacinthe n’a pas eu peur de la mort. Alors, pratiquons cette dévotion avec ferveur pour être aidés par la Sainte Vierge à faire une bonne mort.
Invoquer saint Pascal Baylon
Nous pouvons aussi demander la grâce d’être prévenus un peu à l’avance de l’arrivée de notre mort. Dieu l’a accordée à plusieurs saints, notamment à Jacinthe. Nous ne sommes sans doute pas suffisamment saints pour mériter une telle grâce. Mais nous pouvons la demander à un saint qui pourra l’obtenir pour nous. En particulier, nous devrions la demander à saint Pascal Baylon (fêté le 17 mai).
Pascal Baylon naquit en 1540, dans la petite ville de Belle-Tour, en Espagne. Jusqu’à 24 ans, il mena la vie solitaire de berger. Il désirait tellement s’instruire qu’il apportait un livre avec lui dans les champs et demandait à ceux qu’il rencontrait de lui enseigner l’alphabet. Et, en peu de temps, il apprit à lire.
Par la méditation, la prière et la lecture des ouvrages spirituels, il avança si rapidement dans la perfection, que, lorsque en 1564 il décida d’entrer au monastère des Franciscains réformés de Valence, il était déjà parvenu à une grande sainteté. Par humilité, il insista pour demeurer simple frère convers.
Il y vécut 28 ans. Il passait une grande partie de ses nuits en prière devant le tabernacle. Dieu le favorisa souvent d’extases. Il avait aussi une grande dévotion envers la Très Sainte Vierge. Il mourut le 17 mai 1592. À cause de sa très grande piété à l’égard du Saint Sacrement, Léon XIII le proclama patron des Œuvres eucharistiques.
Il avait le don de prophétie. Il connaissait, entre autres, le moment de la mort de ceux avec qui il était en relations ou qui venaient se recommander à ses prières. Un jour, accompagnant un prédicateur dans la maison d’un riche personnage affilié au tiers-ordre de saint François, il pressa celui-ci de mettre rapidement de l’ordre dans ses affaires, car, lui dit-il, « vous n’avez plus que peu de temps à vivre ». Les choses arrivèrent comme saint Pascal l’avait prédit : le riche s’approcha pieusement des sacrements, régla ses affaires et mourut peu après, frappé d’apoplexie.
Appelé sans cesse auprès des malades, saint Pascal leur prédisait toujours infailliblement l’issue heureuse ou fatale de leur maladie et les exhortait à se réconcilier avec Dieu. Ce privilège extraordinaire d’avertir les moribonds, saint Pascal semble l’avoir conservé au ciel. En effet, pendant son procès de canonisation, un homme de Valence, qui venait de mourir subitement, fut ressuscité par son intercession, afin qu’il eût la grâce de recevoir les derniers sacrements. Aussi saint Pascal est-il invoqué pour être averti de l’approche de la mort. À ce propos, le père Stoufflet, rédemptoriste, écrit :
Son culte est populaire à Rome et surtout à Naples où l’on croit que quiconque récite chaque jour trois Gloria Patri en son honneur, est averti trois jours à l’avance de l’approche de sa mort et cela par trois petits coups distinctement frappés. En 1884, un religieux franciscain était sérieusement malade sans toutefois se trouver en danger prochain. Cependant, il annonça qu’il mourrait dans trois jours et demanda les derniers sacrements. « Comment le savez-vous ? » lui demanda-t-on. « J’ai entendu les trois coups de saint Pascal » répondit-il. Les événements se passèrent suivant la prédiction. Ces traits ne sont pas rares.
Ceux qui ne veulent pas réfléchir à leur mort, n’oseront sans doute pas demander cette grâce à saint Pascal, peut-être par crainte d’être avertis plus vite et de mourir plus tôt. Mais c’est une crainte sans fondement, car l’avertissement de saint Pascal ne peut avoir pour effet d’avancer le moment fixé par Dieu pour notre passage de ce monde dans l’au-delà. Au contraire, les personnes qui désirent avoir une sainte mort ne craindront pas d’invoquer saint Pascal : si Dieu le permet, il leur accordera d’avoir le temps de bien se préparer à mourir lorsque le moment sera venu.
Demandons à sainte Jacinthe et saint François Marto de nous donner la force qu’ils ont eus en face de la mort et à saint Pascal Baylon de nous avertir un peu avant le moment de notre mort pour avoir le temps de bien nous y préparer. Demandons surtout à Notre-Dame de nous assister à l’heure de notre mort pour que nous mourrions saintement, notamment en pratiquant la dévotion à son Cœur Immaculé et en pensant à notre mort chaque fois que nous récitons un ‘Je vous salue Marie’.
En union de prière dans le Cœur Immaculé de Marie.
Yves de Lassus
Source : FATIMA100.FR, le 29 juin 2023
Lettre de liaison n° 152 (2 août 2023)
Le message du 13 juin 1917 (suite)
Le 13 juin 1917, après avoir annoncé que François et Jacinthe mourraient bientôt (voir précédente lettre de liaison), Notre-Dame confia à Lucie :
Toi, tu resteras ici pendant un certain temps. Jésus veut se servir de toi pour me faire connaître et aimer. Il veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé. À qui embrassera cette dévotion, je promets le salut. Ces âmes seront chéries de Dieu comme des fleurs placées par moi pour orner son trône.
Le petit secret
Ainsi fut annoncé le point essentiel du message de Fatima : la dévotion au Cœur Immaculé de Marie que Dieu veut voir se répandre dans le monde. Cette partie du message de Fatima constitue ce que Lucie appelait le « petit secret ». Il faudrait le savoir par cœur et le méditer souvent, tellement il est important et riche de signification. S’il ne fallait retenir qu’une chose du message de Fatima, ce serait cette demande du Ciel.
Ces paroles de Notre-Dame ne furent assorties d’aucune demande particulière de la Sainte Vierge pour les garder secrètes. Mais par une intuition divine, les petits voyants sentirent qu’il fallait le faire. Lorsqu’on leur demandait si la Sainte Vierge avait dit autre chose au cours de cette apparition, ils répondaient : « Oui ! Elle a dit autre chose, mais c’est un secret.» Dans son quatrième mémoire, sœur Lucie rapporte : « Voici, Monseigneur, ce à quoi nous nous référions lorsque nous disions que Notre-Dame nous avait révélé un secret en juin. Notre-Dame ne nous avait pas encore demandé, cette fois, de garder le secret, mais nous sentions que Dieu nous dirigeait dans ce sens ». Et Lucie ne commença à en parler que dix ans plus tard, en 1927.
En effet, la première fois que sœur Lucie en parla, ce fut dans une lettre au père Aparicio datée du 17 décembre 1927. La relation qu’elle fit ultérieurement de cette révélation diffère légèrement selon les documents. En 1946, le père Jongen, venu enquêter sur les apparitions, lui posa la question :
— Vous écrivez dans une lettre à votre directeur spirituel en 1927 que Notre-Dame vous a dit en 1917, pendant la deuxième apparition : « Jésus veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé. À celui qui embrassera cette dévotion je promets le salut. Ces âmes seront chéries de Dieu, comme des fleurs placées par moi pour orner son trône ». Dans les rapports ultérieurs, vous ne parlez pas de cette promesse. Comment devons-nous expliquer cela ?
— Quand j’ai écrit ces rapports ultérieurs, je n’y ai pas pensé.
Une mission
Notre-Dame commence par dire à Lucie : « Jésus veut se servir de toi pour me faire connaître et aimer. » Elle confie ainsi une mission à Lucie. Mais, à travers elle, Notre-Dame s’adresse aussi à nous. Nous avons tous une mission ici-bas sur terre. Si Dieu nous maintient en vie, c’est pour que nous l’accomplissions. Et depuis Fatima, comme Lucie, nous devons : « faire connaître et aimer la Sainte Vierge ». Lucie ne peut à elle seule répandre la dévotion au Cœur Immaculé de Marie dans le monde entier. Si Dieu le lui demande, c’est parce qu’après elle, c’est à nous qu’il revient de poursuivre ce qu’elle a commencé. Pour établir son Église dans le monde entier, Notre-Seigneur choisit douze apôtre. Notre-Dame a fait comme son Fils : pour établir la dévotion à son Cœur Immaculé, elle a choisi une personne. Les apôtres eurent des successeurs : Lucie doit aussi avoir des successeurs. Ces successeurs, ce ne peut être que nous.
Une volonté divine
Notre-Dame ajoute ensuite : « Il [Jésus] veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé. » Dans son Épître aux Romains, saint Paul dit : « Les jugements de Dieu sont insondables et ses voies impénétrables ». Toutefois, les voies divines ne sont pas toujours inconnaissables : Dieu se plaît, de temps à autre, à nous faire connaître sa volonté. Certes, de telles occasions sont rares, mais elles existent. Ainsi, au XIVe siècle, Il s’adressa à sainte Catherine de Sienne qui transcrivit ce qu’elle apprit dans ses Dialogues. Au XVIIe siècle, à Paray-le-Monial, Notre-Seigneur demanda à sainte Marguerite-Marie de répandre la dévotion au Sacré-Cœur. Fatima fait partie de ces rares occasions où Dieu nous fait part d’une de ses volontés.
Il y a d’ailleurs un parallèle entre les apparitions de Paray-le-Monial et de Fatima :
- Dans les deux cas, il est demandé l’établissement de la dévotion à un cœur : le Sacré-Cœur de Jésus et le Cœur Immaculé de Marie.
- À chaque fois, le salut nous est promis si nous embrassons la dévotion proposée : la pratique des neuf premier vendredi du mois ou celle des cinq premier samedi du mois.
- Et, à chaque fois, il a été demandé la consécration d’un pays : la consécration de la France au Sacré-Cœur de Jésus et la consécration de la Russie au Cœur Immaculé de Marie.
Il ne nous appartient pas de connaître les motifs qui conduisirent Dieu à exprimer ses demandes à telle époque plutôt qu’à telle autre. Nous savons simplement qu’Il voulut le développement de la dévotion au Sacré-Cœur à partir du XVIIe siècle et celui de la dévotion au Cœur Immaculé de Marie à partir du XXe siècle. Telles sont ses volontés.
Les raisons de cette similitude entre les demandes faites à Paray-le-Monial et à Fatima ont été très clairement expliquée par le pape Pie XII dans son message du 8 décembre 1942 :
Les fidèles doivent veiller à associer étroitement le culte du Sacré-Cœur et le culte envers le Cœur Immaculé de Marie, car notre salut vient de l’amour et des souffrances de Jésus-Christ indissolublement unis à l’amour et aux souffrances de sa Mère. C’est pourquoi il convient que le peuple chrétien rende aussi au Cœur très aimant de sa céleste Mère, de semblables hommages de piété, d’amour, de gratitude et de réparation. Aux âmes de péché, à celles qui souffrent de leurs fautes, à celles qui veulent expier les péchés des autres, la dévotion au Cœur de leur Mère paraît être un havre à la fois d’idéal et de pardon.
Pie XII confirme ainsi l’enseignement de Fatima : si Dieu veut l’établissement dans le monde de la dévotion au Cœur Immaculé de Marie, c’est pour que, par elle, nous obtenions la conversion des pécheurs. Celle-ci a été la préoccupation permanente de l’Ange et de Notre-Dame : tous deux ont demandé avec insistance de prier et de faire des sacrifices à cette intention. Déjà avant Fatima, sainte Thérèse de l’Enfant Jésus nous avait montré la nécessité de prier pour les pécheurs lorsqu’elle pria pour Pranzini, un condamné à mort, qui eut ainsi la grâce de se convertir quelques minutes avant son exécution. Cette histoire nous prouve que, par nos prières, nous pouvons obtenir la conversion des pécheurs. Et le canon n° 1752 du code de droit canon de 1983 rappelle opportunément l’importance que l’Église y attache : « (…) le salut des âmes doit toujours être dans l’Église la loi suprême. »
Une promesse de salut
La Sainte Vierge poursuit en disant : « À qui embrassera cette dévotion, je promets le salut. Ces âmes seront chéries de Dieu comme des fleurs placées par Moi pour orner son trône. »
Dieu tient tellement à cette dévotion qu’Il y attache une grâce extraordinaire : notre salut éternel ! Comprenons-nous bien la grâce que nous obtiendrons si nous pratiquons cette dévotion ? Notre-Dame elle-même nous promet le salut si nous la pratiquons. Mesurons-nous le trésor que représente une telle promesse ? Et il ne s’agit pas d’une erreur de traduction, car dans la lettre du 17 décembre 1927 au père Aparicio, précédemment citée, dans laquelle sœur Lucie révèle pour la première fois ces paroles de Notre-Dame, l’expression portugaise employée est : « prometo a salvação » (« je promets le salut »). Voici une reproduction du passage en question :

Dans cette même lettre, Lucie raconte ensuite l’apparition de Notre-Dame à Pontevedra le 10 décembre 1925, au cours de laquelle la Sainte Vierge demanda la communion réparatrice des premier samedi du mois. Et après avoir indiqué en quoi elle consistait, Notre-Dame ajouta : à tous ceux qui la pratiqueront cinq mois de suite, « je promets de les assister à l’heure de la mort, avec toutes les grâces nécessaires pour le salut de leur âme ». La formulation est un peu différente, mais le sens est exactement le même : Notre-Dame nous promets le salut si nous pratiquons la dévotion demandée par Dieu.
Une place de choix au Ciel
Et les grâces attachées à cette dévotion ne s’arrêtent pas là. Non seulement elle nous garantit le salut, mais de plus, les âmes qui embrasseront cette dévotion seront « chéries de Dieu » ! Et pour illustrer cette affection particulière de Dieu, Notre-Dame ajoute : « comme des fleurs placées par moi pour orner son trône ». Ces âmes seront donc dignes d’orner le trône divin ! Quelle grâce extraordinaire ! Et quelle joie pour elles de pouvoir ainsi contenter Dieu ! Jamais auparavant le Ciel n’a accordé autant de grâces pour une dévotion particulière.
En outre, cette dévotion est toute simple. Elle consiste en cinq pratiques précisées dans les autres apparitions :
- La première pratique est la récitation quotidienne du chapelet pour obtenir la paix, demande que Notre-Dame fit à chaque apparition, en demandant d’ajouter la prière suivante après chaque dizaine : « Ô mon Jésus, pardonnez-nous, préservez-nous du feu de l’enfer. Conduisez au Ciel toutes les âmes, spécialement celles qui en ont le plus besoin. »
- La deuxième pratique consiste à offrir les sacrifices de la vie quotidienne pour obtenir la conversion des pécheurs, en récitant si possible la première prière que Notre-Dame enseignera au cours de l’apparition suivante : « Ô mon Jésus, c’est par amour pour vous, pour la conversion des pécheurs et en réparation des outrages commis envers le Cœur Immaculé de Marie ».
- Les troisième et quatrième pratiques, demandées au cours de l’apparition du 13 juillet 1917, puis au cours de celles du 10 décembre 1925 et du 13 juin 1929, sont de faire une communion réparatrice le premier samedi du mois et de se consacrer au Cœur immaculé de Marie.
- Enfin la cinquième fut demandée à la fin de la dernière apparition de 1917 : Notre-Dame apparut tenant un scapulaire dans sa main, nous signifiant ainsi qu’elle souhaitait que nous le portions.
Une authentification par un miracle extraordinaire
Pour bien marquer l’importance de cette dévotion et que c’était une de ses volontés, Dieu l’authentifia d’une façon absolument extraordinaire. Lorsqu’il Lui arrive de le faire, Dieu se manifeste généralement de façon discrète, comme à sainte Catherine de Sienne ou sainte Marguerite-Marie. Tel ne fut pas le cas à Fatima : les signes qui accompagnèrent les apparitions furent extraordinaires, que ce soit les phénomènes naturels, le nombre de prophéties ou le miracle du soleil (voir lettre de liaison n° 129). Aucune apparition, même celles de Lourdes ou de Guadalupe, n’a été authentifiée d’une manière aussi spectaculaire, ni n’a bénéficié d’autant de témoins extérieurs. C’est un fait sans précédent dans l’histoire des apparitions.
À lui seul, le miracle de la danse du soleil, lors de l’apparition du 13 octobre 1917, place les apparitions de Fatima devant toutes les autres et en fait les plus extraordinaires de l’histoire. Car avant Fatima, on ne recense que trois phénomènes célestes de cette ampleur : le déluge, l’arrêt du soleil pendant la bataille de Josué contre les Amorrhéens à Gabaon (Josué 10, 12-13) et les ténèbres du Vendredi Saint apparues au moment de la crucifixion.
Le miracle de Fatima eut une ampleur moindre que celui du Vendredi Saint, mais peut-être aurait-il été aussi important si les petits voyants n’avaient pas été mis en prison à Villa Nova de Ourem, car Notre-Dame leur dit le 19 août 1917 : « Si l’on ne vous avait pas emmenés à la ville, le miracle aurait été plus connu. » Quoi qu’il en soit, jamais depuis le Vendredi Saint, il n’y eut de miracle cosmique aussi extraordinaire : le miracle de la danse du soleil est « aux événements et au message de Fatima ce que le miracle de la Résurrection est à l’Évangile », selon l’excellente expression du frère Michel de la Sainte Trinité. L’abbé Caillon, dans son petit opuscule La consécration de la Russie aux très saints Cœurs de Jésus et Marie, le qualifie de «fait unique dans l’ère chrétienne depuis la Résurrection du Christ ».
Et il y eut un autre miracle cosmique spectaculaire quelques années après les apparitions, dans la nuit de 25 au 26 janvier 1938. Cette nuit-là le ciel s’embrasa au-dessus de tous les pays qui allaient entrer en guerre. Ce miracle est en outre remarquable, car il est la réalisation d’une prophétie annoncée vingt ans auparavant, le 13 juillet 1917 !
Une importance primordiale
Tous ces signes marquent donc non seulement l’origine divine du message de Fatima, mais aussi une importance sans égale dans toute l’histoire des apparitions, qu’elles soient de Notre-Seigneur, de la Très Sainte Vierge ou des saints. Car si Dieu a pris soin d’authentifier le message de Fatima d’une façon aussi extraordinaire, ce n’est sûrement pour rappeler des choses banales.
La dévotion au Cœur Immaculé, en particulier la communion réparatrice des premier samedi du mois, comme moyen pour se sauver et obtenir la conversion des pécheurs est une dévotion que nous devons satisfaire en priorité. Bien sûr, aucune dévotion ne pourra jamais égaler l’assistance à la Sainte Messe. Mais après elle, la dévotion au Cœur Immaculé de Marie doit avoir une place de choix dans notre vie spirituelle, car Dieu Lui-même l’a demandé. Combien recevrions-nous de grâces en méditant régulièrement les paroles de notre mère du Ciel ! Quel trésor inestimable que cette dévotion au Cœur Immaculé de Marie par laquelle Notre-Dame elle-même nous promet le salut !
Alors empressons-nous de bien connaître cette dévotion si chère au cœur de Dieu. Pratiquons-la avec ferveur, par amour pour Notre-Dame et Notre-Seigneur. Et faisons-la connaître autour de nous pour répondre à la volonté divine qui veut qu’elle soit répandue dans le monde entier.
En union de prière dans le Cœur Immaculé de Marie.
Yves de Lassus
Remarque d’un lecteur sur la dernière lettre de liaison
Suite à la dernière lettre, un lecteur nous a fait une remarque très pertinente, laquelle nous donne l’occasion d’insister sur un point essentiel de la dévotion au Cœur Immaculé de Marie. Voici cette remarque :
Je me permets de rappeler les promesses de la Très Sainte Vierge Marie aux personnes qui ont décidé de revêtir le scapulaire de Notre-Dame du Mont Carmel, notamment le fait que la Très Sainte Vierge Marie les délivrerait du purgatoire le premier samedi suivant la mort terrestre.
Le port du scapulaire est effectivement un excellent moyen de se préparer à la mort. Il est d’autant plus important de le rappeler qu’à Fatima, la Sainte Vierge en a fait une des pratiques de la dévotion à son Cœur Immaculé. Ainsi à Fatima, Notre-Dame nous a donné quatre moyens pour nous préparer à la mort :
- Le premier est le chapelet quotidien au cours duquel cinquante fois nous lui demandons de « prier pour nousmaintenant et à l’heure de notre mort ».
- Dans le chapelet quotidien également, après chaque dizaine, Notre-Dame nous demande d’ajouter cette prière : « préservez-nous du feu de l’enfer ».
- Par la dévotion des premier samedi du mois, Notre-Dame nous promets de « nous assister à l’heure de la mort, avec toutes les grâces nécessaires pour le salut de notre âme ».
- Enfin, le port du scapulaire de Notre-Dame du Mont Carmel nous assure aussi de faire une bonne mort, car en le lui remettant en 1251, Notre-Dame a promis à saint Simon Stock : « Celui qui mourra revêtu de cet habit sera préservé des flammes éternelles. » (Voir la fiche Histoire du scapulaire)
Source : FATIMA100.FR, le 2 août 2023